Génocides, de Thomas Disch

Comme son titre le laisse présager, ce roman des plus pessimistes imagine un avenir hostile à l’homme. Des plantes étranges envahissent notre planète, et font en quelques années disparaître toute autre forme de vie : les civilisations s’effondrent, et nous suivons un groupe contraint de se cacher sous terre pour survivre. Terrifiant huis-clos d’anticipation, Génocides rassemble des personnages banals, que les circonstances amènent à repousser leurs limites. C’est ainsi que certains tombent dans la pire caricature, tandis que d’autres s’élèvent en héros imprévus. Jusqu’à ce que tous se retrouvent confrontés à la même insupportable vérité, et tombent enfin les masques. J’ai aimé Génocides, car c’est une grande et puissante leçon de relativisation. On peut y voir...

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Le conte du genévrier, des frères Grimm

Le conte du genévrier commence comme Blanche-Neige. Il y a du sang sur la neige, il y a une marâtre et un enfant persécuté ; mais cette fois l’enfant est un garçon, et l’histoire tourne vite à la tragédie Atride. J’ai rarement lu un conte d’une telle noirceur, où les actions sanglantes côtoient l’innocence la plus pure. L’écriture est légère, presque poétique, et l’horreur succède sans prévenir à la joie de vivre. Le bon et le mauvais s’enchaînent à un rythme haletant : l’indifférence du narrateur devant les événements n’est pas sans rappeler la dureté de la vie elle-même, qui poursuit son cours quoi qu’il arrive. On retrouve également dans Le conte du genévrier beaucoup de symbolique. Le cercle...

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Frankenstein ou le Prométhée moderne, de Mary Shelley

Frankenstein est un roman aussi court qu’intense, et l’un des plus universellement mal interprétés que je connaisse. Sans avoir lu de critiques poussées sur cette œuvre, je l’ai abordée avec en tête le cliché classique du méchant zombie à abattre. Je m’attendais à une histoire qui fait peur : Mary Shelley a écrit ce texte dans le cadre d’un concours sur le sujet de la peur (concours qu’elle a d’ailleurs remporté) et toutes les références cinématographiques à Frankenstein tournent autour de la peur. Or, pour moi, le vrai sujet de ce livre est l’amour. Vous connaissez tous le sujet : le brillant docteur Frankenstein parvient, aux termes de longues recherches, à insuffler la vie dans un corps recréé à partir de...

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La Mort vivante, de Stefan Wul

Avec un titre aussi intrigant que contradictoire, cette nouvelle est, des trois que j’ai lues de Stefan Wul, celle que j’ai préférée. Ce n’est pas seulement un énième scénario post-apocalyptique, doublé d’une expérimentation à la Frankenstein : c’est avant tout une passionnante réflexion sur la nature de la vie. J’ai longtemps réfléchi après l’avoir achevée, et je ne parviens toujours pas à déterminer si la fin est heureuse ou non. La Mort vivante raconte l’histoire d’un sympathique biologiste, qui habite sur une Vénus accueillante bien que très puritaine. Mais la religion n’aime pas le savoir, et notre scientifique se retrouve contraint d’aller sur une Terre toxique, presque intégralement sous les...

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1984, de George Orwell

1984 est un roman terrifiant. Peinture parfaite d’un totalitarisme sans faille, il dépeint le monde tel qu’on n’espère jamais le voir. Les pays n’existent plus, les individus disparaissent, mais le plus terrible, c’est que même la résistance est organisée par l’État. Nous suivons le personnage de Winston Smith, dont le nom est si banal qu’il pourrait désigner n’importe qui. Son parcours rappelle aussi celui de tous les héros : il lutte, découvre l’amour, se rebelle avec de plus en plus de détermination. Mais tout s’avère faux, et tout le monde, hormis la femme qu’il aime. Les derniers chapitres du livre sont consacrés à détruire cet amour, car le système totalitaire dédie un ministère entier à...

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Le Horla, de Maupassant

Cette nouvelle est un classique, et sa réputation est méritée. Le Horla, c’est l’histoire d’un homme qu’une présence invisible poursuit sans répit. Journal intime inachevé, impossible de dire si le narrateur s’est suicidé ou s’il a perdu la raison. Dans cette nouvelle, la peur va de pair avec la folie : c’est du fantastique au sens propre, impossible de déterminer si le narrateur est fou ou si cette présence mystérieuse est réelle. L’histoire est d’autant plus intéressante que, si le Horla est réel, la peur vient toute entière du narrateur. Cette créature invisible ne fait rien de proprement effrayant : elle boit du lait, observe, change peut-être un ou deux objets de place. Mais pas de coups, pas...

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Sa majesté des mouches, de William Golding

Sa majesté des mouches m’a fait peur. C’est l’un des livres qui m’a le plus terrorisée, et m’a fait faire mon premier cauchemar d’adulte. Il conte l’histoire d’enfants livrés à eux-mêmes sur une île déserte. Le récit a beau se dérouler dans un cadre paradisiaque, la tension monte un peu plus à chaque chapitre, jusqu’à atteindre une acmé que seul le sacrifice tragique (au sens grec du terme) est capable de calmer. Derrière l’insouciance et l’innocence, c’est le désir débridé qui est donné à voir, les pulsions les plus noires du cœur humain en dehors de la société qui les canalise. C’est une horrible parodie de société, dans un style fluide et sans concession. Voir le monde à travers les yeux des enfants, c’est voir la beauté, la simplicité, mais aussi...

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