Vipère au poing, de Hervé Bazin

Je n’aime pas le genre autobiographique : c’est une démarche qui me semble irrémédiablement égocentrique et stérile, car pour moi tout auteur raconte sa vie dans ses livres. Quelques autobiographies trouvent cependant grâce à mes yeux, et Vipère au poing en fait partie. Ce roman m’a pris aux tripes, tant il est triste, terrible et plein d’une farouche détermination de vivre. C’est l’histoire d’un enfant heureux soudainement plongé dans une violente et misérable existence, c’est le récit de la Haine et de la Vie, c’est l’histoire de Jean Rezeau et de sa mère Folcoche. Mère injuste, qui réserve tout son amour au benjamin, et n’a pour les deux aînés que des coups et des injures en réserve. Mère...

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Seul dans le noir, de Paul Auster

Ce roman, aussi court que dense, ne vous laissera pas indifférent. Réaliste, intimiste, psychologique, dramatique et universel, c’est l’histoire d’un homme qui n’arrive pas à s’endormir, et qui pense, pense, pense. Il se souvient de son passé, il invente des histoires dans un autre avenir, jusqu’à ce qu’enfin il puisse affronter son présent. Présent difficile, fait de blessures et de solitude, présent où la mort côtoie la vie, et où l’on voit, impuissant, souffrir ceux que l’on aime. Il ne s’y déroule aucune action réelle, et pourtant Seul dans le noir instaure dès les premières lignes une tension qui m’a tenue en haleine jusqu’à la fin. On sait tout de suite que l’histoire d’Owen...

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L’élégance du hérisson, de Muriel Barbery

Le deuxième roman de Muriel Barbery est une pure merveille. Le style, à la fois très élégant et d’une ironie mordante, vous emporte immédiatement dans une histoire atypique. Un milieu bourgeois, suffisant et superficiel, où trois intelligences se rencontrent : Paloma, 12 ans et surdouée, Renée, 54 ans et concierge, Kakuro Ozu, japonais et fin observateur. Ce récit à double point de vue interne se dévore en quelques heures. L’élégance du hérisson pose d’emblée les questions importantes : Paloma a décidé que le monde n’était qu’un absurde « bocal à poissons », et qu’elle se suiciderait à la fin de l’année, parce que la vie ne valait pas d’être vécue au milieu de tant d’hypocrisie et de ridicule. Renée dissimule...

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La couleur des sentiments, de Kathryn Stockett

L’histoire se déroule à Jackson, dans le Mississippi, pendant les années 60. Une histoire à trois voix : Aibileen, domestique noire discrète aimant particulièrement s’occuper des enfants, Skeeter, blanche fraîchement diplômée de l’université, et Minny, autre domestique noire à la langue bien pendue. Chacune de ces femmes a connu des drames, et chacune porte un regard différent sur la société ségrégationniste dans laquelle elles vivent. Pourquoi ai-je adoré ce roman ? À la fois drôle et tragique, il offre un éclairage acéré de l’une des réalités les plus honteuses des États-Unis. Décrits et mis en scène avec une égale justesse, les personnages se révèlent peu à peu, avec toutes leurs forces et leurs faiblesses, humains trop humains que...

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L’Homme qui savait la langue des serpents, d’Andrus Kivirähk

Pourquoi classer ce roman estonien au titre évocateur dans la catégorie des Aventures réalistes ? Truffé d’animaux qui parlent et de salamandres géantes, ce livre avait une place toute trouvée dans les Mondes imaginaires. Cette ambiguïté est précisément ce qui le rend génial: dans l’univers d’Andrus Kivirähk, la magie est normale. Elle fait partie intégrante de la réalité. L’Homme qui savait la langue des serpents raconte la vie de Leemet et de son ami Ints la vipère. Il se déroule dans une Estonie médiévale lentement conquise par les chrétiens, et décrit la fin d’un paganisme mythique. C’est l’histoire du choc entre deux cultures, mais c’est surtout une formidable satire de la bêtise humaine qui nous est donnée à...

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Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

Qui ne connaît pas Scarlett O’Hara ? Autant en emporte le vent pourrait figurer sans honte au rayon des Grands Classiques, mais c’est finalement dans la rubrique Réaliste / Historique que j’ai préféré l’inscrire. Publié en 1936, l’unique roman de Margaret Mitchell est une fresque historique du Sud des États-Unis à l’époque de la guerre de Sécession : avant, pendant, après, il donne à voir l’évolution de toute une société. Vous avez sûrement vu le film exceptionnel qui en a été tiré. Le livre a cela de plus que Scarlett a deux maris et deux enfants avant Rhett et Bonnie, et le lecteur a plus de temps que le spectateur pour se plonger dans le Sud du milieu du XIXème siècle, esclavagiste, en guerre, en reconstruction. La...

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L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, de Haruki Murakami

Ce roman conte l’histoire d’un personnage étrange, en quête de sa propre « couleur »; référence au nom de ses quatre amis, qui l’ont exclu de leur groupe sans explication. Ce livre est un voyage initiatique. Au début se succèdent de longues pages sur la mort et le vide qui habitent Tsukuru : pourquoi vivre, au fond, si personne ne désire notre compagnie ? Tsukuru persiste à vouloir s’emplir de couleur, à vouloir mettre une couleur sur sa passion. Mais la passion se vit, se sent, elle ne s’analyse pas : commence une quête qui mènera ce Japonais jusqu’en Europe, et au plus profond de ce qu’il est. Peu importe le résultat, semble pourtant vouloir dire la fin ouverte. Ce qui compte, c’est d’avoir essayé. Se connaître soi-même, connaître la vérité...

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