L’Île aux voix, de Robert Louis Stevenson

À Hawaï, un vieillard nommé Kalamake semble faire tomber l’argent du ciel : bien qu’il ne travaille pas, il ne manque jamais de rien. Son gendre finit à force d’insistance par apprendre son secret, mais se montre un peu trop curieux… Ainsi commence L’Île aux voix, nouvelle parue en 1893 avec Le Diable dans la bouteille dans le recueil des Veillées des Îles. Magie, mystère, exotisme, gravité inattendue, on y retrouve tout ce qui fait le charme des histoires de Robert Louis Stevenson. Sans être aussi fascinant que L’étrange cas du Docteur Jekyll et de Mr. Hyde, ce récit n’en reste pas moins original, rythmé et très agréable à lire.

C’est à travers les yeux du protagoniste, Keola, que se déroule L’Île aux voix. Curieux, raisonnablement malin avec un soupçon d’avidité, j’ai apprécié son caractère ambivalent, qui ne verse ni dans l’innocence béate, ni dans la méchanceté gratuite, auquel tout un chacun peut s’identifier. Le sorcier Kalamake, que l’on voit finalement assez peu, est un antagoniste taciturne dont j’aurais aimé mieux connaître les motivations. Sa fille Lehua, quoique presque inexistante, a elle aussi un rôle à jouer. Chaque personnage laisse à sa manière une trace dans l’esprit du lecteur, prouvant ainsi l’efficacité de l’écriture de Stevenson, à la fois légère et très figurative.

L’Île aux voix n’aboutit pas à une morale révolutionnaire. Mêle-toi de tes affaires et tout ira bien, c’est au mieux ce que signifie l’aventure de Keola. Bien plus que la conclusion, c’est ici le chemin parcouru qui importe : les péripéties de notre apprenti sorcier s’avèrent plus surprenantes et atypiques les unes que les autres. Stevenson nous transporte dans une ambiance à part entière, où l’on entend presque le crépitement du feu et le bruissement des vagues. On pourrait aussi tirer de ce texte une forme de réflexion sur la peur, intériorisée et relativisée en fonction des perceptions de chacun, qui change d’objet et de forme au fil de l’histoire.

Et vous, avez-vous lu L’Île aux voix ? Qu’en avez-vous pensé ? En écrivant cet article, je ne peux m’empêcher de songer à L’Histoire de celui qui s’en alla apprendre la peur, des frères Grimm, où la notion de peur est traitée d’une toute autre manière. Dans les deux cas, c’est la personnalité finalement peu héroïque du protagoniste qui fait sortir l’histoire du lot. Si l’anglais ne vous effraie pas, le texte original intégral du périple de Keola est disponible gratuitement sur Wikisource !

 

Cette illustration saisissante de 1962 rend très bien l’ambiance terrifiante de L’Île aux voix ! Imaginez ce que doit ressentir Keola dans sa petite barque à ce moment-là…

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