Le Diable dans la bouteille, de Robert Louis Stevenson

Nouvelle publiée en 1891, Le Diable dans la bouteille rappelle à bien des égards l’histoire d’Aladin. Transposé à Hawaï, le récit conte les mésaventures de Keawe, qui se retrouve en possession d’une étrange bouteille. Renfermant un génie qui exauce tous les vœux, elle condamne son possesseur à l’enfer après la mort, à moins qu’il ne s’en débarrasse en la vendant à un prix inférieur à celui de son acquisition. C’est le début pour notre jeune homme d’un périple riche en émotions, tour à tour poétique, comique et tragique, où l’amour, la mort et la maladie dialoguent pour former une paradoxale philosophie.

Réflexion sur le désir et les sacrifices que chacun est prêt à faire pour concrétiser ses rêves les plus fous, Le Diable dans la bouteille est centré sur deux personnages principaux. Keawe, innocent capable de se montrer sage, rusé ou aveugle selon le cas, a son pendant féminin, Kokua, en tous points sa jumelle quoique plus pénétrante. Autour d’eux gravitent les anciens ou futurs possesseurs de la bouteille, tous terrorisés par la damnation éternelle. De l’être caché dans l’objet maudit, on ne sait rien, sinon qu’il se montre une fois et tétanise d’horreur ceux qui le voient. Peut-on profiter des bienfaits de la vie en sachant ce qui nous guette dans l’éternité ? Telle est l’une des questions posées par Stevenson.

J’ai beaucoup apprécié la multiplicité de tons qui se succèdent au fil du conte. Le prix de la bouteille est source d’ironie sans fin : trop bas pour être honnête, c’est à quelle devise aura la plus petite unité d’argent. L’idée que l’objet source d’infinies convoitises se serait vendu plus facilement s’il avait été plus cher met en exergue toute l’absurdité des sociétés humaines. Le Diable dans la bouteille raconte aussi une très belle histoire d’amour, où Keawe et Kokua ne reculent devant rien pour donner la joie de vivre à l’autre, au risque d’oublier que le malheur de l’un fait aussi celui du couple. La résolution de l’intrigue porte en elle la trivialité de toute la race humaine devant l’idéal. On est loin des châteaux splendides des Mille et une nuits ! Cependant, la maison de rêve de Kokua et de Keawe n’est-elle pas le reflet du rêve plus intime et plus accessible de chacun ?

Et vous, avez-vous lu Le Diable dans la bouteille ? Qu’en avez-vous pensé ? J’ai été tout de suite happée par l’histoire et je suis restée dans l’inconnu jusqu’à la dernière ligne. Il est intéressant de noter que le terme anglais imp, traduit ici par « Diable », est utilisé également par Edgar Poe dans sa nouvelle The Imp of the PerverseLe Démon de la Perversité, où le démon, entièrement intériorisé, s’incarne dans les pulsions auto-destructrices du narrateur. Y aurait-il un jeu de mot avec la manière dont s’achève The Bottle Imp ? À méditer… Pour ceux que l’anglais n’effraie pas, le texte original de Stevenson est disponible sur Wikisource 😉

 

Cette illustration de William Hatherell rend très bien le drame de la possession de la bouteille entre Keawe et Kokua.

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