Les ruines circulaires, de Jorge Luis Borges

Au vu des thèmes que j’explore à travers l’écriture de La Bibliothèque, je ne pouvais pas ne pas aimer Les ruines circulaires de Jorge Luis Borges. Comme dans La Bibliothèque de Babel, c’est ici une nouvelle vertigineuse qui nous est donnée à lire et à méditer, quoi qu’il s’agisse moins ici de mathématiques et de littérature que de création pure. Quelque part, dans une jungle qui pourrait être n’importe où même si son atmosphère évoque à mes yeux l’Amérique du Sud, un homme gagne un ancien temple abandonné. Son objectif est aussi simple que surnaturel : il souhaite rêver un être humain et l’imposer à la réalité. Fantastique, métaphysique, allégorie, là encore le texte de Borges peut être interprété de bien des manières.

Les ruines circulaires suit l’étranger anonyme jusqu’à l’aboutissement de ses tentatives. Il dort, encore et encore, et rêve chaque nuit un peu mieux de sa créature. Ses membres, ses organes, son visage, on suit sa construction en partageant la frénésie du rêveur, qui n’est pas sans rappeler celle du docteur Frankenstein. On ignore si ce sommeil particulier est provoqué par les anciens dieux du temple abandonné ou s’il résulte d’une volonté propre. Toujours est-il qu’il s’en dégage une passion qui nous tient en haleine jusqu’au dernier mot de la nouvelle, portée par le style puissant et poétique de Borges.

Je pourrais relire Les ruines circulaires des dizaines de fois. Mêlant à la perfection le possible et l’impossible dans le cercle de l’infini, cette courte histoire est une métaphore parfaite de la création artistique, mais aussi des ambitions humaines. Pour qui aime à se souvenir de ses rêves et à les analyser, c’est aussi une formidable et fascinante source de réflexion. Le choix du feu comme révélateur de la vérité reflète le double tranchant de cet élément à la fois créateur et destructeur ; la chute finale montre l’homme dans toute sa fragilité. Plutôt que voir dans ce récit le rappel terrible d’une finitude annoncée, je préfère cependant y lire la célébration d’une transmission cyclique. Nous faisons tous partie d’une vaste chaîne d’êtres et d’événements : cette forme d’absolu nous dépasse et c’est aussi cela qui nous pousse à aller de l’avant.

Et vous, avez-vous lu Les ruines circulaires ? Qu’en avez-vous pensé ? Cette nouvelle peut nous laisser dans un état d’esprit très varié selon nos lectures et nos expériences. J’adore ce genre de texte à la croisée de l’aventure et de la philosophie, où chaque détail est ambivalent et sujet à débat. C’est pour moi ce qui fait l’essence de la littérature fantastique et sa plus grande force. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille vivement cet article de Sciences humaines. Le texte de Borges est par ailleurs disponible gratuitement sur La Parafe 😉

 

Illustration des ruines circulaires

Il est étonnamment difficile de trouver des illustrations représentatives des Ruines circulaires. J’apprécie cette image de Hugo Jones qui rend bien l’ambiance de la nouvelle, concentrée dans la volonté acérée d’un personnage assez flou et lointain.

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