La Bibliothèque de Babel, de Jorge Luis Borges
Longtemps intriguée par cette nouvelle que libraires et bibliothécaires ne manquent jamais de citer (notamment lorsque je leur parle de ma propre Bibliothèque), j’ai entamé La Bibliothèque de Babel avec beaucoup de curiosité. Comme les autres nouvelles de Borges que je suis en train de découvrir, celle-ci m’a déroutée, surprise et émerveillée tout à la fois. Relevant presque plus de la méditation philosophique que de la nouvelle, on suit dans ce récit un narrateur bibliothécaire, qui nous décrit une Bibliothèque infinie, contenant tous les livres de 410 pages imaginables, écrits dans toutes les langues, y compris celles que personne n’est capable de comprendre.
Pas de personnage dans La Bibliothèque de Babel pour se raccrocher aux choses tangibles du quotidien. Le narrateur, s’il a un père, n’a pas de passé ni d’avenir et incarne pour moi la posture de l’homme face à l’infini de l’univers et de la littérature. Il nous transporte dans un monde qui rappelle à bien des égards l’Univers écrit en langage mathématique de Galilée. C’est un lieu géométrique et logique jusque dans le plus petit détail que cette Bibliothèque, théoriquement finie puisque limitée par un nombre donné de caractères, de pages, de livres, d’étagères et de salles : un endroit tangible que chacun peut explorer jusqu’à ce que les forces lui manquent pour tenter d’en percer le mystère.
Beaucoup ont vu dans La Bibliothèque de Babel la préfiguration de l’informatique et de ses possibilités colossales, permises par une simple suite de 0 et de 1. À travers cette nouvelle, Borges ouvre pour moi une réflexion beaucoup plus large autour du sens, riche de promesses et pourtant aléatoire, impossible à atteindre si l’on n’en possède pas les clefs. Ce qui nous entoure serait-il aussi ordonné que cette infinie série d’hexagones livresques ? Un ordre qui nous échappe, plongés que nous sommes dans les livres les plus variés, un ordre où nous avons cherché en vain notre avenir, qui se répète peut-être mais dont l’existence nous rassure et nous donne l’impression d’échapper à la vacuité du hasard.
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Et vous, avez-vous lu La Bibliothèque de Babel ? Qu’en avez-vous pensé ? Aimez-vous ce genre de nouvelles ? À la croisée parfaite du problème mathématique et de la réflexion philosophique, ce récit a de quoi en surprendre plus d’un, mais pousse à une introspection qui n’est pas pour me déplaire. Si vous désirez le lire, le texte intégral est disponible gratuitement sur le site Œuvres ouvertes !