La main gauche de la nuit, d’Ursula Le Guin

La main gauche de la nuit est le quatrième roman du Cycle de Hain, série de science-fiction qui compte six volumes principaux et quantité de nouvelles. À l’inverse de Terremer, dont la longue histoire fait intervenir les mêmes personnages, le Cycle de Hain narre le déploiement de l’Ekumen au fil des siècles. Cette alliance intergalactique réunit plusieurs dizaines de planètes : ce sont autant de territoires et de protagonistes qu’Ursula Le Guin explore à l’envi. La main gauche de la nuit se déroule sur Géthen-Nivôse, terre glaciaire habitée par des êtres humains hermaphrodites, parmi lesquels évolue Genly Aï, l’Envoyé de l’Ekumen… De sexe exclusivement masculin.

C’est de son point de vue qu’est racontée l’histoire, pour ensuite alterner avec celui de Therem Estraven, Géthénien de souche. D’abord exploration paisible des différents pays de Géthen, le roman se mue peu à peu en aventure haletante au sommet d’un colossal glacier. Dans les points positifs, on citera la beauté de l’écriture, la profondeur des personnages et l’élégante minutie avec laquelle Ursula Le Guin a élaboré cette société d’un genre nouveau; je déplore seulement qu’elle n’ait pas exploré davantage certaines possibilités, comme la télépathie enseignée par l’Ekumen et les capacités divinatoires des Géthéniens.

Mais peut-être est-ce propre de l’écriture d’Ursula Le Guin : s’arrêter au seuil des univers et laisser aux lecteurs le soin de les développer. Le simple postulat de départ de La main gauche de la nuit a des conséquences étonnamment complexes. Pas d’hommes ni de femmes sur Géthen : tous sont égaux, chaque enfant peut aspirer à la même évolution sociale. La notion de virilité n’existe pas ; l’on peut à l’inverse faire montre de caractéristiques traditionnellement associées à la féminité, telles que la timidité ou la prévoyance, sans que personne y ait rien à redire. Pour remplacer ce système de valeurs qui permet à chacun de se situer dans la société, Ursula Le Guin a inventé le shiftgrethor, « mot intraduisible et principe essentiel du pouvoir social ». Mais en dernier ressort, c’est au lecteur de répondre à cette énigme : jusqu’à quel point le fait d’être homme ou femme définit-il notre identité ? Dans quel système d’obligations et d’apparences nous engageons-nous sans le savoir dès la naissance ? Les réponses de Genly Aï fournissent les pistes d’une longue réflexion.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous lu des œuvres du Cycle de Hain ? Qu’avez-vous aimé dans La main gauche de la nuit ? J’aurais souhaité que la relation entre les personnages se prolonge davantage : il est très rusé de la part d’Ursula Le Guin de frustrer ainsi son lecteur pour le pousser à réfléchir par lui-même. Tactique à méditer dans La Bibliothèque ! 😉

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