Tristan et Iseult, adapté par René Louis
Triste naissance, signification curieuse pour un prénom de héros, présage d’un destin funeste, ainsi commence la légende de Tristan et Iseult. Vainqueur de monstres, chanteur talentueux, le jeune guerrier réclame, au nom du roi Marc de Cornouailles, la main de la princesse d’Irlande Iseult. Mais la belle, aidée par la magie, en décide autrement, et un philtre d’amour l’unit pour trois ans à celui qu’elle aime. Aidés par leurs fidèles serviteurs, les amants multiplieront les ruses pour échapper à la vigilance de l’époux trompé et des barons félons. René Louis signe avec cette adaptation un retour aux origines celtiques du conte tant de fois remanié, et nous emporte dans une histoire inoubliable.
Tristan et Iseult dévoile une galerie de personnages faussement classiques, en proie à une lutte permanente entre un amour surhumain et une loyauté plus conventionnelle. Ainsi Tristan aime-t-il sincèrement son oncle Marc, qui le lui rend bien, et se retrouve-t-il déchiré entre sa passion et sa raison. Iseult surtout, loin d’être une innocente passive, fait montre d’une duplicité à toute épreuve et se livre volontairement à un amour interdit. Marc est celui que j’ai le moins apprécié, trop influençable, oublieux de ce qu’il doit à Tristan, et pourtant d’un bon naturel, il est un mari trompé que l’on voudrait mieux connaître. Brangien, Périnis et Gorvenal s’avèrent être les protagonistes les moins originaux, serviteurs sans faille des amants.
L’amour qui unit Tristan et Iseult est une force magique, avant tout dominé par les femmes, qui reprennent dans cette version une prépondérance effacée par des siècles de christianisme et de domination masculine. Histoire amorale que cette fable où le malheur résulte en grande partie d’un hasard défavorable ; magie non dénuée de justesse que celle qui, non contente de provoquer l’amour chez les jeunes gens, les préserve de la souffrance inhérente à la vie sauvage et à la jalousie. Les femmes font peur, leur liberté intime fascine autant qu’elle effraie, de même que leurs pouvoirs de mort et de guérison, reliques d’un temps en voie de perdition. C’est leur présence et leur mystère qui contribuent à l’originalité de ce récit.
Plus que dans l’acte de tomber amoureux, la magie du « vin herbé » réside dans la durée de ce sentiment, qu’elle préserve des soupçons et des mouvements d’impatience. Ce sont ceux-là mêmes qui finiront par venir à bout des amants une fois les trois ans écoulés : telle pourrait être la sagesse cachée de Tristan et Iseult. J’ai adoré me plonger dans cette légende, baignée de magie, d’exploits et de ruses plus étonnantes les unes que les autres. La modernité voudrait que l’honneur soit oublié pour faire place à l’amour, mais l’expérience des amants dans la forêt, d’un réalisme étonnant, rappelle qu’en dépit de son envie, l’homme ne peut survivre seul dans la nature sans sacrifier un confort auquel il est difficile de renoncer (petite pensée pour les Ingalais de Vivre !). Fantasme et réalité s’affrontent ici encore, et l’issue du combat est malheureusement la même que dans Les contes d’Eva Luna d’Isabel Allende. Et vous, qu’elle version de cette légende millénaire préférez-vous ? »
Émilie – Apprentie Bibliothécaire