Souviens-toi des monstres, de Jean-Luc A. d’Asciano

Premier roman de Jean-Luc A. d’Asciano, Souviens-toi des monstres conte l’histoire de Gabriel et Raphaël, frères siamois nés sur une île non loin des côtes italiennes. En plus de leurs trois jambes et d’une partie de leur corps, ils partagent le don de modeler la réalité à leur guise lorsqu’ils chantent. Aventure, magie et voyage, ce roman acquis lors de Livre Paris 2019 promettait d’être une bonne lecture. Il m’offrait en outre l’occasion de découvrir la maison d’édition « Aux Forges de Vulcain« , dont la ligne éditoriale à la croisée de la philosophie et de la littérature, dépassant la barrière entre les genres, avait tout pour me plaire. L’écriture maniérée, l’histoire sans envergure et les personnages incohérents de ce récit m’ont malheureusement laissée sur ma faim.

Gabriel et Raphaël sont tour à tour narrateurs de Souviens-toi des monstres : leurs voix contradictoires sont l’ombre et la lumière du monde qu’ils dépeignent. Autour des siamois gravitent des personnages secondaires rivalisant de platitude et de discrétion. Leur mère ne dit pas un mot en plus de 500 pages ; la sœur qui les élève ne parle presque pas et leur petite sœur est invisible. Leurs aînés pourraient être intéressants si leurs prénoms n’étaient pas révélés au compte-goutte, plus de 100 pages après le début de l’histoire : « l’Aîné, le Deuxième, le Troisième et le Quatrième » sont des désignations qui permettent difficilement de s’attacher à des protagonistes. L’auteur abuse également de jeux de mots hors de propos au vu de la personnalité de ses narrateurs : je ne compte plus les fois où, songeant à leur mère, Gabriel et Raphaël invoquent la mer…

Si j’ai apprécié les passages où les frères chantent, pleins de poésie et de mystère, l’histoire de leur vie ne m’a pas fait voyager. La quatrième de couverture m’avait fait espérer un périple à travers l’Italie et non un aller-retour sur une ville côtière, où le pouvoir de changer la réalité sert à combattre de petits contrebandiers que l’on fait survivre 300 pages en trop sans explication valable. En dépit du tragique de leur situation, les siamois ont une enfance heureuse, bercée de douceur et d’amour, longuement et inutilement détaillée. Peut-être est-ce pour introduire une ombre dans ce tableau que Jean-Luc A. d’Asciano se plaît à multiplier les sous-entendus, apportant des réponses de manière aléatoire à des pistes de lecture aussi nombreuses qu’obscures. La magie d’une prostituée inuit se mêle à la quête étrange d’un policier mystérieux ; certains personnages aspirent à la mort et au désespoir sans raison ; anarchistes, militaires, espions et contrebandiers gravitent autour d’un prince inexistant ; un diablotin vulgaire et logorrhéique ajoute ses affaires à l’histoire comme un cheveu sur la soupe… Les bonnes idées de Souviens-toi des monstres sont gâchées par ce propos confus.

Et vous, avez-vous lu Souviens-toi des monstres ? Qu’en avez-vous pensé ? Le titre même du roman me paraît toujours aussi incompréhensible, et je me suis demandée plusieurs fois au fil de ma lecture si ce manque de clarté ne venait pas de mes piètres lumières. D’autant que si le résumé situe l’histoire en Italie, à aucun moment il n’est fait mention d’une époque, de sorte que je me suis crue tour à tour à la Renaissance, aux Lumières, à l’ère industrielle et à l’aube de la Révolution Russe. 🙂

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