L’Ombre du Vent, de Carlos Ruiz Zafón

Un petit garçon traverse avec son père les rues embrumées de la Barcelone de l’après-guerre pour se rendre au Cimetière des Livres Oubliés. Là, dans ce dédale de papier seul connu de quelques élus, celui qui vient d’oublier le visage de sa mère va découvrir un mystérieux roman : L’Ombre du Vent, d’un certain Julián Carax. Il emporte le livre avec lui et se trouve ainsi investi d’une étrange responsabilité… Semblable incipit ne pouvait manquer de m’intéresser, moi qui vit dans un labyrinthe de livres-rêves ! Je me suis aussitôt incarnée dans le personnage principal, vivant avec la même intensité que lui cette aventure sombre et fantastique, où la mort dialogue avec l’amour. Suspens, tragédie, humour et fantômes sont au rendez-vous dans cette histoire qui manie non sans intelligence la mise en abyme.

L’Ombre du Vent est peuplé de plusieurs protagonistes à la personnalité marquée. S’il sait se montrer tour à tour déterminé, courageux et passionné, Daniel Sempere, le narrateur, est loin d’être aussi marquant que son alter ego Julián Carax, auteur à l’imagination débordante et habile bonimenteur, dont il cherche à reconstituer l’impossible biographie. Autour d’eux gravitent la belle et inaccessible Penélope, mais aussi le flamboyant Fermín Romero de Torres, détective hors pair et amant expert aux multiples visages, le sinistre inspecteur de police Fumero ou encore la triste Sophie Carax. Autant d’êtres dont les histoires entrelacées forment un tissu complexe de relations et de passions, qui conduira le roman jusqu’à son dénouement, non sans effets cathartiques.

Terreur et pitié, nous sommes en pleine tragédie antique, même si L’Ombre du Vent utilise aussi les ressorts du registre gothique. Les émotions que nous inspirent les personnages sont savamment distillées au fil des pages, entremêlant passé et présent dans une inextricable relation de cause à effet. Plutôt qu’une réflexion sur la guerre, Carlos Ruiz Zafón nous donne ici à méditer sur la vie, ses retournements, ses hasards, ses coïncidences et ses facéties. Le destin existe-il ? Libre à chacun d’en décider mais, indépendamment de notre volonté, les choix que nous faisons résultent souvent de notre passé, et ont toujours des conséquences sur l’avenir. Surtout, chacun peut trouver en lui la force de changer, de ne pas succomber à ce qui semble être un malheur inéluctable, à condition de garder les yeux ouverts et de saisir les mains tendues par le hasard…

J’ai beaucoup apprécié de m’incarner dans L’Ombre du Vent. J’ai frémi, pleuré, souri, douté, à aucun moment je ne me suis ennuyée. Si j’aurais aimé que certains personnages soient davantage présents ou mieux exploités, comme Clara Barceló, Beatriz où le père du narrateur, je n’en ai pas moins été happée par l’ambiance de Barcelone, ses quartiers, ses rues, ses cafés, ses maisons chargées d’histoire et ses dangers. Dépeindre l’atmosphère d’une ville réelle m’a toujours semblé un défi littéraire ardu, tant cela implique de bien connaître les lieux pour pouvoir se les réapproprier et glisser en eux des zones imaginaires ; dans un autre style, je m’étais complètement immergée dans le Paris des Misérables. Et vous, qu’avez-vous pensé de L’Ombre du Vent ? »

Émilie – Apprentie Bibliothécaire

Illustration du Cimetière des Livres Oubliés

« La vision du Cimetière des Livres Oubliés a de quoi frapper l’imaginaire ! Elle n’est pas sans rappeler la bibliothèque infinie de Borges, et ma propre Bibliothèque où reposent les rêves des hommes. »

Photo du manoir Aldaya

« Cette photo bien réelle montre la demeure fastueuse aux multiples mystères qui a inspiré le manoir Aldaya, où vivait Penélope. C’est aujourd’hui un hôtel nommé… L’Ombre du Vent. »

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