Lire dans une langue étrangère : le secret pour réussir

Anglais, Espagnol, Allemand, Hollandais : j’ai lu au moins sept livres dans chacun de ces idiomes. Pourtant, je ne suis pas spécialement douée en langues et je n’ai aucune ascendance facilitant la tâche. Comme je vois régulièrement d’autres lecteurs partir à l’assaut d’une langue étrangère sur les réseaux sociaux et que l’été est le bon moment pour se lancer dans ce genre de défi, je me suis dit que j’allais partager mon secret. Pour moi, tous les lecteurs sont des polyglottes en puissance et il ne leur faut que deux ingrédients pour faire fi de toutes les barrières linguistiques : un livre favori qu’ils seront prêts à parcourir sans compter, et un peu de mémoire !

De la mémoire, j’en ai depuis longtemps, mais au départ cela ne m’a pas servi à grand-chose. J’apprenais l’anglais à l’école comme tout un chacun, et mes parents ont pensé m’aider à progresser en m’offrant des livres dans la langue de Shakespeare. Chou blanc : je ne comprenais rien à mes premières lectures qui m’ont profondément ennuyée, et j’ai même vu ma moyenne baisser. Mon livre préféré, comme chacun sait, se divise en sept. À l’époque des faits, le tome 5 d’Harry Potter venait de sortir en anglais : tentant le tout pour le tout, père et mère le déposèrent dans la boîte aux lettres. Je l’ai dévoré, j’ai tenté de le comprendre comme jamais je n’avais tenté de comprendre l’anglais. L’expérience fut plus réussie que les précédentes, mais tout de même très approximative et peu convaincante d’un point de vue scolaire.

Le vrai déclic vint à Noël. J’eus non seulement Harry Potter et l’Ordre du Phénix en français, mais surtout l’ensemble des quatre volumes précédents en anglais, pour me donner de quoi patienter jusqu’à la sortie du tome 6. Lorsque j’aime quelque chose, je ne m’y consacre pas à moitié : quand je reçus ce cadeau à 13 ans, j’avais déjà lu Harry Potter à l’école des sorciers une dizaine de fois et les trois suivants environ cinq fois chacun. Je me suis donc lancée sans hésitation dans le texte original. Et là, miracle ! Je comprenais sans effort, et le dictionnaire devint complètement superflu. J’avais sans m’en rendre compte mémorisé la version française, et je pouvais en quelques secondes deviner la traduction d’un mot où qu’il soit dans Harry Potter. Je cessai d’aborder l’anglais de manière scolaire, de me demander quelle conjugaison lorsque j’écrivais : de langue étrangère, l’anglais était devenu une langue vivante. Je me mis à le parler et à l’écrire sans plus me poser de questions… Et sans faire de fautes.

Les succès linguistiques déconcertants que je me mis à rencontrer au collège me décidèrent à reproduire l’expérience en espagnol, ma deuxième langue étrangère. Loin d’être motivée par l’amour des langues, il s’agissait pour moi d’obtenir de bonnes notes facilement et de délaisser mes devoirs en toute légitimité pour me consacrer à mon activité favorite : lire Harry Potter. La réussite ne se fit pas attendre. En quelques semaines, l’espagnol devint aussi facile que l’anglais. J’avais l’impression de redécouvrir la langue. Les barrières imposées à l’école, où l’on n’apprend qu’une seule conjugaison à la fois, que l’on n’utilise que dans des phrases simples, sautaient devant les phrases libres des romans de J.K. Rowling, où les temps se mélangeaient à l’infini !

Entre-temps, j’étais arrivée au lycée et j’avais pris goût à l’exercice. Je me dis qu’il serait amusant de tenter l’expérience en allemand, pour voir si une langue étrangère que je n’avais pas étudiée s’apprenait aussi facilement. Un ami me donna quelques cours sommaires et je me lançai dans le premier tome de cette série adorée. J’en sortais capable de parler et d’écrire allemand, quoiqu’avec un grand nombre de fautes et un recours beaucoup plus systématique au dictionnaire pour me faire comprendre. Un Hollandais faisant partie de mes camarades de classe, il eut le malheur de laisser traîner un Harry Potter près de moi : comme j’avais achevé l’allemand, il ne m’en fallut pas davantage pour me lancer dans le hollandais, cette fois sans aucun préambule. L’exercice fut réussi, même si j’avais un accent à couper au couteau, faute d’avoir appris correctement.

Mais l’apprentissage d’une langue étrangère se mesure dans la durée. Que reste-t-il de tout cela aujourd’hui ? En anglais et en espagnol, j’ai très vite volé de mes propres ailes. Mes proches m’ont offert de nombreux classiques en langue originale que j’ai dévorés : les sept tomes d’Harry Potter m’avaient donné un vocabulaire suffisamment étendu pour que je puisse comprendre des romans que je ne connaissais pas. Faute de fondations solides, l’allemand et le hollandais ont sombré dans les brumes de l’oubli. Dès que j’ai achevé mes études, j’ai repris l’allemand, cette fois avec une méthode de langue en complément d’Harry Potter. À mes lectures, j’ai ajouté des exercices de traduction inventés et corrigés par une amie : rien de tel pour apprendre une langue étrangère que s’astreindre à l’écrire. J’ai également regardé des dessins animés allemands sous-titrés en allemand, pour parfaire mon accent et ma compréhension. Mieux articulés et plus faciles à comprendre que les films, les dessins animés sont parfaits pour se faire l’oreille en douceur. En deux ans environ, à raison de deux heures par jour en moyenne, j’ai acquis assez de maîtrise pour sortir des sentiers d‘Harry Potter, et pouvoir parler et écrire en allemand sans trop m’appuyer sur le dictionnaire. Le hollandais reste à faire, j’aimerais apprendre l’italien, et un ami m’a offert le premier tome d’Harry Potter en roumain…

En plus de me faire découvrir de nouveaux auteurs et des romans passionnants, cette longue expérience m’a beaucoup appris sur le mécanisme d’acquisition d’une langue étrangère. Le maître mot est très simple : quelle que soit la langue étrangère que vous souhaitez apprendre, vous devez y prendre du plaisir. En relisant un livre que vous aimez et que vous connaissez très bien en français, vous mémoriserez de nouveaux mots sans vous en rendre compte, en vous épargnant un recours incessant et fastidieux au dictionnaire. Si vos cours ne sont pas trop loin, vous mémoriserez d’autant plus facilement le vocabulaire et deviendrez polyglotte en un rien de temps. Si c’est une langue que vous n’avez jamais étudiée, investissez dans une méthode de langue, ou mieux trouvez-vous un ami bilingue qui vous fera traduire des phrases drôles et sera capable de vous corriger. Remplir des textes à trou ne vous apprendra rien, le thème est le seul exercice qui vaille. En passant, je vous conseille vivement les méthodes de langue du Livre de Poche, bien mieux pensées que nombre de leurs homologues.

L’apprentissage de la langue par la lecture offre un avantage non négligeable : vous économisez un voyage à l’étranger, vous pouvez avancer à votre rythme, et surtout vous n’oubliez jamais vraiment. Vous pouvez ainsi à tout moment réactiver une langue en lisant dans le texte, sans perdre votre niveau. Internet regorge de films et de dessins animés sous-titrés bien plus amusants à regarder que les infos. Pour parler, il suffit enfin de vous rendre sur le Polyglot Club, où vous trouverez gratuitement des échanges de vive voix dans la langue de votre choix près de chez vous ! Vous verrez, bientôt vous aurez soif de nouveaux auteurs, vous découvrirez des pépites non traduites comme Gudú, le roi oublié, et vous finirez par mettre un point d’honneur à lire autant que possible chaque auteur dans sa langue d’origine.

Et vous, avez-vous déjà lu dans une langue étrangère ? L’expérience vous a-t-elle convaincu(e) ? Avez-vous d’autres astuces pour apprendre une langue en s’amusant ? Je ne regrette pas de m’être lancée dans cette aventure, qui apporte une dimension fascinante aux études littéraires et permet de prendre de la distance avec sa langue maternelle pour mieux analyser sa propre écriture. 🙂

 

J’avais une quinzaine d’années à l’époque où cette photo a été prise. On y voit toute mes collections de Harry Potter (je n’avais pas encore commencé le hollandais à l’époque et le tome 7 n’était pas sorti). Cette série est d’autant plus idéale pour apprendre une langue étrangère qu’elle est très longue et que son écriture se complexifie progressivement.

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