Les mots perdus, de Catulle Mendès

Ce conte de 1888 fait partie de ceux qui se lisent une fois, et se retiennent longtemps. L’intrigue est simple : une fée, courroucée pour une raison que l’histoire ne dit pas, décide de punir le pays qui l’a offensée en rayant de la mémoire de ses habitants les mots « Je vous aime ». Privés de cette phrase toute simple, cette province finit bientôt par dépérir. L’amour existe toujours mais ne peut plus se dire, et toutes les romances périclitent… Jusqu’à ce que la fée se retrouve prise à son propre piège.

On retrouve dans Les mots perdus le style élégant du XIXème siècle : des phrases longues, bien construites, efficaces, poétiques et non dénuées de satire dans l’exagération des caractères. Ainsi du rire de la fée « qui eût été plus affreux qu’un ricanement de diable, s’il n’avait eu les plus roses lèvres du monde », et du poète qui « aim[ait] trop les vers ». Éloge de l’amour et de la poésie, ce conte est une belle fable sur l’importance de ces choses qui paraissent toutes simples, et font le sel de la vie.

Mendès semble tout à la fois moquer et louer l’amour. Son conte le place en source principale du bonheur humain, tout en le conditionnant à des mots qui paraissent assez banals, et sans lesquels il disparaît. « Je t’aime », réfléchit-on assez au poids de ces mots ? Dire « Je t’aime » à quelqu’un, c’est de l’altruisme à l’état pur. « Je veux que tu vives, je veux que tu sois heureux/se, tu fais partie de mon bonheur », tout cela est contenu dans « Je t’aime ». Le génie de Mendès est de glisser un message d’une telle profondeur derrière la légèreté de la fable, et d’y superposer le rôle capital de la poésie : l’art pour l’art du Parnasse, peut-être pas, car l’art célèbre le monde, et le monde célèbre l’art qui lui rend les mots perdus. Autrement dit : « C’est à cause des vers que les baisers sont doux, et les amoureux ne se disent rien que les poètes n’aient chanté. »

Cet article vous a plu ? Vous pourrez lire le conte original sur Google Books et sur Gallica.

Et vous, connaissez-vous les contes de Catulle Mendès ? Avez-vous lu d’autres contes du XIXème siècle ? C’est une période très riche pour ce genre littéraire, qui sort des sentiers battus, devient tour à tour drôle, triste, poétique et mélancolique, s’éloignant de la morale populaire et précieuse de ses prédécesseurs 🙂

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