Le vase d’or, d’E.T.A. Hoffmann
Un jeune homme, le jour de l’Ascension, percute malencontreusement une vieille femme, qui l’accable de reproches étranges sonnant comme une malédiction. Ce qui dans la vie courante serait une anecdote amusante devient sous la plume d’Hoffmann un récit à la croisée du conte merveilleux, de la quête initiatique et de l’histoire d’amour. Magie et métamorphoses, quête poétique de l’idéal, combat de l’amour et du doute, Le vase d’or allie à ces qualités une ironie teintée de tendresse. Après avoir renversé le panier de la vieille, l’étudiant Anselme s’approche en effet d’un sureau à l’écart de la ville, où il entend chanter des couleuvres d’or aux yeux bleus… Illusion ou réalité ? C’est le début d’une aventure digne d’un roman fantastique.
Hoffmann se plaît à jouer avec nous. Le vase d’or multiplie les personnages en autant de jumeaux, au point de perdre parfaitement le lecteur. La sublime Serpentina est-elle réelle, ou bien ses yeux bleus et sa voix de cristal se confondent-ils avec ceux de la jolie Veronika ? L’archiviste Lindhorst aux terribles pouvoirs se dresse en miroir de la vieille sorcière, jusque dans leurs familiers respectifs, l’oiseau et le chat. Seul Anselme n’a pas de double, Anselme qui ne sait s’il devient fou ou s’il doit croire aux inexplicables miracles qui se produisent alors qu’il recopie les mystérieux manuscrits de l’archiviste. Son point de vue alterne avec celui de Veronika, de sorte que le lecteur, jusqu’à la dernière ligne, est en proie aux mêmes hésitations que l’étudiant.
Doute de la réalité, doute amoureux, doute poétique, Le vase d’or allie en un même sentiment trois quêtes parallèles. L’union parfaite de la nature et du sentiment, l’émotion devant la beauté, la soif d’idéal sont l’expression magique d’une réalité poétique. L’amour qui en résulte ne peut exister sans une foi profonde, aveugle et qui pourrait paraître folie, un désir qu’ont en commun l’amant et l’artiste. Lindhorst l’a compris, qui recherche un homme capable de manier habilement la plume : réalité dont le pragmatisme est le pâle reflet de ce monde plus haut, de cette compréhension absolue dont l’archiviste fut jadis banni. Le fameux vase d’or, casserole ou pot selon les traductions, n’est-il pas lui-même l’incarnation de l’imagination ? Mais Hoffmann, loin de se laisser aller à la mélancolie du poète maudit, conclut avec humour sur la richesse toute relative de la poésie… Réelle à condition d’être capable de la percevoir.
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Le vase d’or est le premier conte d’Hoffmann que je lis. Un conte très long, dont j’ai adoré la portée métaphorique ! J’ai beaucoup apprécié de suivre tour à tour les aventures de Veronika et d’Anselme, et jusqu’à la fin je suis restée incapable de deviner la chute. Et vous, quel texte d’Hoffmann préférez-vous ? Si vous souhaitez lire Le vase d’or, il est disponible intégralement sur Wikisource ! 🙂