Le prince Chéri, de Mme Leprince de Beaumont
Avec Le prince Chéri, Madame Leprince de Beaumont compose un conte de fées classique à bien des égards. On y suit l’apprentissage d’un prince trop gâté par la vie sur le dur chemin du bonheur, que l’époque voulait parfaitement synonyme d’une conduite vertueuse. Choyé par son père devenu ami de la fée Candide, le prince Chéri finit sans surprise par céder à des caprices qu’une éducation laxiste a favorisés. Sa bienveillante marraine le prévient en vain avant de le punir pour l’encourager à se repentir de ses méfaits : on devine la suite sans peine.
Le prince Chéri est l’un de ces récits qui se lit avec plaisir et qu’on oublie tout aussi facilement. Le héros du conte possède un caractère agréablement situé entre deux extrémités, que sa bague magique met en exergue. Son père le roi, la femme qu’il aime, la fée, ses mauvais amis et son bon conseiller sont cependant des archétypes qui, sans les divertissantes métamorphoses du prince, rendraient l’histoire assez fade. Parfait ou odieux selon le besoin, chacun inspire au protagoniste des sentiments contraires qui le font mûrir et devenir meilleur.
La morale du conte est assez évidente. Pour atteindre le bonheur, il faut maîtriser ses sautes d’humeur, respecter autrui et se montrer capable de rendre « le bien pour le mal ». Éthique chrétienne s’il en est, qui sature le sentier de repentance du personnage principal. Malgré ce peu d’originalité, Le prince Chéri n’en reste pas moins un conte divertissant et efficace. Il rappelle que l’on ne saurait être heureux en rendant ceux qui comptent sur nous malheureux, et incite à lutter contre l’égoïsme inhérent à la nature humaine. Aimer consiste à savoir dire non bien plus qu’à tout accorder : tel est le message complémentaire de la fée Candide.
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Et vous, connaissez-vous Le prince Chéri ? Qu’en pensez-vous ? La vision de la vertu proposée dans ce conte m’a rappelé de manière frappante La princesse de Clèves, où Madame de Lafayette met en application la même idée que Madame Leprince de Beaumont. Il est dans les deux cas autant question de vertu que d’estime personnelle : les émotions et les actes de chacun influencent le cœur d’autrui, et le bonheur tant désiré relève d’un équilibre fragile qui, s’il est aisé à trouver, ne l’est pas autant à maintenir. N’hésitez pas à aller découvrir le conte original, disponible gratuitement sur Wikisource !
On voit ici le prince bien tristement puni ; la réprimande eût été bien moins dure si le prince l’avait reçue plus tôt.