Le Papillon, d’Andrus Kivirähk

Depuis que j’ai lu L’Homme qui savait la langue des serpents, je suis devenue viscéralement fan d’Andrus Kivirähk. Loin des aventures déjantées qui le caractérisentcet auteur nous livre avec Le Papillon un roman poétique et mélancolique. Entre rêve et réalité, mensonge et légende, folkore et faits réels, Le Papillon raconte l’histoire du théâtre de l’Estonia, construit en 1913 et détruit en 1944. Satire sociale, conte drolatique, on retrouve dans ce récit tous les éléments qui ont fait le succès des précédentes œuvres de Kivirähk : Le Papillon s’en démarque également par sa douceur et sa délicatesse.

Loin de la violence caricaturale et des métamorphoses improbables des Groseilles de novembre, Le Papillon est d’abord une histoire d’amour à trois, entre le narrateur, August Michelson, sa future femme Erika et le théâtre de l’Estonia. Un lutin et deux papillons qui virevoltent au mépris du chagrin et de la guerre, parmi une troupe composée d’une sirène, d’étoiles, d’un géant et d’un pyromane. Poésie de la métaphore filée, cynisme philosophique, anecdote comique, faits historiques, le style même de Kivirähk voltige en permanence entre ces registres, tour à tour sérieux, drôle et léger, toujours beau, efficace, passionnant.

August, Erika, Altermann, Pinna, tous ont réellement existé (dixit le Wikipedia estonien). Erika descendait-t-elle d’une femme oiseau dont un meunier aurait volé la tunique ? A-t-elle réellement dansé un tango avec la Mort, ce chien gris aux yeux jaunes qui rôde autour du théâtre ? Altermann s’est-il réincarné sous forme de fragments éparpillés entres différentes âmes ? Le narrateur nous le rappelle à plusieurs reprises : il adore embobiner les lecteurs que nous sommes, jouer avec son corps et avec les mots. Cette farandole d’illusions n’est-elle pas précisément ce qui fait le sel du quotidien ? Ôde à la vie, ôde à la poésie et à l’humour, Le Papillon nous les représente dans toute leur fragile puissance.

Avez-vous déjà lu l’un des romans d’Andrus Kivirähk ? Qu’en avez-vous pensé ? Connaissez-vous d’autres romans qui parlent du théâtre ? J’adore cet auteur qui mêle avec brio les registres, rappelant sans cesse à ses lecteurs que s’il est facile d’être bête, il n’est pas non plus très compliqué d’être heureux. 🙂

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