Dans les coulisses du festival d’Angoulême

Je suis allée, c’est inédit, surprise extrême,
À l’événement du festival d’Angoulême.
Trois jours de fête et de sorties, en compagnie
Du grand hérisson de cheminée, mon amie.
Vendant au fil des jours sa bande dessinée,
Elle était néanmoins un peu trop occupée
Pour se charger de moi. Je me suis trouvée libre
D’ainsi vagabonder au beau milieu des livres.

Conférences, expositions, que d’événements !
Le festival d’Angoulême est omniprésent.
De la cité il envahit toutes les rues ;
Des panneaux orientent les visiteurs perdus.
Les exposants sont regroupés par thématique,
Polar, manga, jeunesse ou alors fantastique.
Le Monde des bulles est pour les gros éditeurs,
Casterman, Dargaud, Delcourt, Soleil, Gallimard.
Au Nouveau monde est l’accueil des indépendants,
Actes Sud, Sarbacane et auteurs débutants.
Para-BD, ce sont les objets dérivés,
Sans oublier théâtre, conservatoire, musée,
S’additionnant aux chapiteaux improvisés :
La ville est un hymne à la bande dessinée !
Un commentateur nous informe en bon muezzin
Du fil de l’actualité angoumoisine.
La Guerre des étoiles, l’iconique Zelda,
Les boutiques en profitent pour vendre à tout va !
Mais un endroit précis a arrêté mon cœur,
Un magasin dédié au seul Harry Potter.
Oh ! Sacs et plumes, aimants, écharpes et balais,
J’étais heureuse alors de n’aimer que les livres,
Éliminant d’office un grand nombre d’objets,
Tandis que des autres brimborions j’étais ivre !
Mêlant découvertes et achats impromptus,
Je me suis concocté un parcours de mon cru.

J’ai vu le nom de Joann Sfar, j’y suis allée :
D’écrire et dessiner parlait sa conférence.
Semblable thème ne pouvait que passionner !
Digressant en continu, drôle exubérance,
S’adressant tant aux dessinateurs qu’aux auteurs,
Il alternait conseils, pensées et anecdotes.
‘Écrivez seulement si vous êtes conteur
D’un récit captivant, haletant, qui dépote !
Demandez-vous sincèrement, c’est important,
Si vous achèteriez votre propre roman.
Créateurs de bulles, présentez votre projet 
En noir et blanc, point besoin de couleur en sus.
Inscrivez-vous dans un genre et dynamisez
L’histoire en lui donnant une certaine issue’
(Propos plus polémique et déjà commenté).
‘L’inspiration est à l’image de l’épée :
Qui ne doit point être lâchée ni en tenailles.
On reste longtemps à sa table de travail :
Il est bon, si l’on peut, de l’ancrer dans sa vie,
De mettre son bureau au milieu du salon,
D’ériger au centre de tout la création.
Un personnage est une boule d’énergie :’
Sfar dessine les yeux, tendus vers un endroit,
Le corps suit alors pour atteindre ce qu’il voit.
Ses deux points faibles sont la main et le cheval :
Il s’entraîne et pour nous c’est un vrai festival.
‘La forme de la main, oui, suit ce qu’elle tient,
Faisons l’objet d’abord et ensuite la main.
Il faut écrire et dessiner d’après nature :
Le réel est du créateur la dictature.’

Sur ces propos j’ai cheminé et réfléchi :
J’ai alors découvert Shigeru Mizuki.
Auteur japonais et célèbre mangaka,
Formé aux beaux-arts et devenu un soldat,
Il est l’un des fondateurs du manga d’horreur.
Kitaro, papa-œil et les esprits yokaï
Animent ses récits les plus révélateurs.
Prenant la plume aussi pour dénoncer la guerre,
Il en a montré sans détour toutes les failles.
Le dessin de ses héros peut sembler sommaire ;
Ses décors sont très fins et même virtuoses :
C’est d’équilibre que son œuvre se compose.

Le lendemain, j’avais le temps pour un débat :
Les scénaristes sont-ils auteurs incomplets ?
Le tandem est souvent au cœur de la BD,
Dans la complicité ou bien dans le combat.
Ce que l’un écrit, l’autre doit le dessiner,
Accord parfait entre l’image et la pensée.
Certains scénaristes distribuent leurs histoires,
Sans harmonie aucune, comme dans un comptoir,
Réduisant le dessin à une exécution.
Ils seraient incomplets car ils ne cherchent pas,
En dialoguant, le moyen de se dépasser,
Restant toujours sur leurs acquis des autres fois,
Alors qu’il y a tant de façons d’échanger !
Les uns préfèrent le récit prédécoupé,
Les autres cherchent à préserver leur liberté.
Il en est qui disent que le couple est formé,
Quand le scénariste ne voit dans sa pensée
Plus que les dessins par un autre imaginés :
Ses mots sont dépassés, sa vision transcendée.
Beaucoup de dessinateurs trouvent très ardu
De travailler avec un auteur trop pointu.
Alan Moore nous a été donné en exemple,
Qui pour une bulle écrivait trois pages, un temple !
Et qui n’œuvrait jamais deux fois avec le même
Comparse, trop étouffant pour ses co-créateurs.
Autre distinction, par rapport au cinéma :
Le scénario existe en tant qu’objet suprême,
Déclenchant financement, passions et débats.
En BD il suffit d’un projet novateur :
L’histoire inachevée n’a pas plus de dix planches.
On dessine, cela suffit, le reste s’enclenche.
Le scénariste pourtant a plus d’existence
En bande dessinée que sur le grand écran.
Une fois le film réalisé, mis à distance,
Son nom est gommé. En BD, c’est différent,
On l’inclut, mettant son nom sur la couverture.
Cela a changé surtout grâce à Goscinny :
Avant lui, les auteurs recevaient leur facture
Directement du dessinateur, piètre appui !

Le festival d’Angoulême est vite passé,
J’ai tout juste vu Enki Bilal et Tardi,
Mais je me suis bien promenée, et j’ai craqué…
Opération Mort de Shigeru Mizuki,
La trilogie Nikopol, Benjamin Lacombe
Ayant illustré de beaux contes japonais,
J’ai résisté, mais il fallait que je succombe.
J’ai découvert enfin Toppi et Sharaz-de.
Je vous reparlerai de ces heureux élus
À l’occasion de mes chroniques impromptues.
Je vous dis maintenant à bientôt, au revoir,
Je suis en vacances, jusqu’à début mai je pars ! »

Émilie – Apprentie Bibliothécaire

 

Photo du Monde des Bulles

Centre névralgique du festival d’Angoulême, le Monde des Bulles regroupe tous les grands éditeurs. Sur cette photo prise le premier jour, il est encore loin d’être plein !

Photo des rues d'Angoulême

Le festival d’Angoulême bat son plein : la rue principale est noire de monde, heureusement les bannières permettent de se repérer facilement dans toute la ville !

Photo d'un mur peint à Angoulême

À Angoulême, la bande dessinée est partout et décore de nombreux endroits de la ville, comme ce mur sur le chemin du Pavillon jeunesse !

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