Sang trouble, de Robert Galbraith
Sang trouble est le cinquième volet des enquêtes du détective Cormoran Strike. Je m’y suis glissée sans effort, désireuse d’une lecture légère après la complexité des Affinités électives de Goethe. Le polar est loin d’être mon genre de prédilection, mais j’aime les ambiances variées dans lesquelles nous plonge Robert Galbraith : ici, c’est entre les côtes de Cornouailles et les salles aseptisées d’un cabinet médical que se déroule la majeure partie de l’histoire, sans oublier les longues heures solitaires en voiture ou en appartement. Enquête complexe dont je n’ai pas vu venir la fin, j’ai apprécié la variété des personnages et des caractères ainsi que l’habituelle alternance entre les points de vue des deux détectives, qui donne du rythme au texte.
Comme ses prédécesseurs, Sang trouble met en scène Robin et Strike. Mais, plus encore que dans les autres volumes, j’ai trouvé que la vie privée de chacun d’entre eux, somme toute assez banale, prenait trop de place, au détriment de l’enquête principale. Les relations humaines sont décrites avec une justesse remarquable, cependant je me serais volontiers passée des interminables courses de Noël, des bouderies d’anniversaire et des innombrables petites brouilles familiales de Robin et de Strike. Leur travail devrait les sensibiliser davantage au fonctionnement de l’être humain, assez pour que Strike soit plus lucide sur sa tante et ne regrette pas bêtement de ne pas lui avoir assez dit « je t’aime », et pour que Robin cesse de s’interroger sans fin sur ses sentiments et sur le caractère d’un Matthew.
L’enquête autour de la disparition inexpliquée de Margot Bamborough, 40 ans auparavant, se trouve ainsi éparpillée sur plus de 900 pages, mêlée à plus de 4 autres missions et régulièrement interrompue par les tergiversations sentimentales de Strike et de Robin. Tentaculaire, incluant l’interrogation de plus d’une dizaine de suspects et ponctuée des dessins ésotériques d’un ancien policier souffrant de délire hallucinogène, le récit qui est au cœur de Sang trouble est donc difficile à suivre, ce qui est dommage car son final ne manque pas de panache. Derrière son lot de clichés du quotidien, ce roman compte quelques réflexions intéressantes sur les paradoxes humains et les multiples incarnations du féminisme.
Je garde un meilleur souvenir de L’Appel du Coucou et je devrais sans doute relire Le Vers à Soie, mais après avoir brièvement feuilleté La Carrière du Mal avant d’écrire cet article, je dois reconnaître que la disparition des disputes incessantes entre Matthew et Robin est un véritable soulagement. Elles n’apportaient rien à Blanc mortel, qui reste l’une de mes enquête favorites par la variété des atmosphères que nous font traverser les personnages. Dans Sang trouble, même si chacun des témoins est bien distinct, je les ai trouvés davantage interchangeables, peut-être parce que beaucoup avaient en commun de travailler dans le milieu médical, et surtout parce que chacune de leurs interventions était précédée de longs monologues intérieurs répétitifs. J’espère vivement que J.K. Rowling fera enfin aboutir leur relation au prochain volume ! Et surtout, je prends bonne note de ce défaut pour m’améliorer dans ma propre écriture. »
Émilie – Apprentie Bibliothécaire