Merveilleuse cohérence
En ce début d’octobre 2017, La Bibliothèque poursuit studieusement sa route vers la gloire. Tandis que Grandir se prépare pour le salon de Loos le 25 novembre, fièrement expurgé de ses coquilles après moult échanges avec Createspace qui n’aime pas les mises à jour et les avis de passage, Vivre avance à grands pas vers l’aboutissement. Chaque week-end est dédié au déplacement de passages entiers, à la refonte de paragraphes complets et à l’élimination systématique des « , et ». Que de gribouillages et de passages en rouge ! Un dialogue prévu page 50 se retrouve page 240, un épisode en début de chapitre est déplacé à la fin : penchée sur son clavier, la fourmi auteur traque les incohérences.
Mais pourquoi accorder tant d’importance à la cohérence des romans ? Au-delà du bon sens qui impose qu’un personnage ne change pas de nom, de sexe, d’âge ou d’apparence à 50 pages d’écart, la logique d’une histoire garantit sa vraisemblance et, par extension, sa véracité. Pour paraphraser Luna Lovegood dans Harry Potter et les Reliques de la Mort, tant que l’on ne peut pas prouver qu’une chose est fausse, cela signifie qu’elle est vraie. En mathématiques, un système est faux quand il se contredit lui-même : peu importe qu’il soit accessible aux cinq sens. C’est valable aussi en littérature. Un roman de fantasy ou de science-fiction est à un roman réaliste ce qu’un plan courbe (sphérique) est à un plan euclidien (plat) : impossible dans notre réalité, possible avec un peu d’imagination… Sauf s’il se contredit !
D’où l’importance, même quand on fait intervenir des royaumes imaginaires, de la magie et des extra-terrestres, de maintenir la cohérence, aussi bien dans les détails que sur la vue d’ensemble. Pour ne pas être réduites au rang d’élucubrations sans intérêt, les fictions doivent respecter cette règle, d’autant plus si elles se situent dans un autre monde (on voit toujours plus facilement la paille du voisin imaginaire que la poutre réaliste chez soi). Un manquement dans le détail est à mes yeux moins gênant qu’un oubli global, qui remet en question tout l’univers… En guise de mauvais exemples, je citerai Cœur d’Encre de Cornelia Funk, Oscar Pill d’Eli Anderson et Eragon de Christopher Paolini. Absence de lois régissant la magie, manque de réflexion sur une foule de détails et incohérences psychologiques sont l’apanage de ces trois romans, qui en plus d’être clichés rendent impossible leur propre histoire.
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Envie d’aller plus loin ? Mécanismes d’histoires vous explique comment faire pour créer de la magie cohérente, tandis que My Little Magical World énumère les risques d’incohérences qu’une histoire peut receler. Enfin, si vous voulez mieux comprendre mon analogie avec les mathématiques, cet article sur les trois géométries vous fait une démonstration en dessin de la différence entre un plan courbe et un plan euclidien. N’hésitez pas à réagir dans vos commentaires ! 😉
Excellente article ! Voilà qui sort des sentiers battus, c’est bien agréable. Et merci pour la remarque sur Eragon, car je n’ai jamais compris l’engouement pour ce roman.
Amicalement,
Elen
Ravie que l’article vous ait plu ! Je trouve en effet que l’on devrait plus souvent traverser la frontière qui sépare les sciences de l’imaginaire. Quant à Eragon, je suis très heureuse de voir que nous nous rejoignons !
Bien à vous,
Pauline