Les Voyages de Gulliver, de Jonathan Swift
Paru en 1721, on ne connaît des Voyages de Gulliver que le séjour du marin chez les Lilliputiens. Cette aventure s’avère être la première d’une série de quatre grands voyages : aux être minuscules succèderont les géants de Brobdingnag, les amateurs d’abstraction de Laputa et les chevaux Houyhnhnms doués de raison. Chaises de cheveux, peignes en poils de barbe, églises en guise de maison, escalopes en forme de harpe, immortels irascibles, îles volantes, résurrection des morts, l’œuvre de Jonathan Swift fait la part belle à l’imaginaire… Et se livre pour notre plus grand plaisir à une satire sociale qui n’a rien perdu de son actualité.
Ainsi, les Lilliputiens sont mortellement divisés avec leurs voisins sur la manière d’ouvrir un œuf à la coque. Comme le dit très sagement Gulliver, « les guerres ne sont jamais plus furieuses et plus sanglantes, ni plus longues que lorsqu’elles ont été provoquées par des différences d’opinion, surtout si celles-ci portent sur des affaires sans importance ». Les hommes n’en sont pas exempts, qui se déchirent pour déterminer, d’après les paroles de Jésus, « si la chair est pain, ou si le pain est chair ; si le jus de certain raisin est vin ou sang. » De ses entretiens avec Gulliver, le roi des géants conclut que les hommes « forment, dans leur ensemble, la plus odieuse petite vermine à qui la Nature ait jamais permis de ramper à la surface de la terre. » Chez les habitants de Lagado, l’amour de l’abstraction est tel que, parmi leurs innombrables expériences, celle qui consiste à extraire les rayons de soleil des concombres paraît la plus réaliste…
Au-delà de l’émerveillement, le rire et la réflexion sont la vraie richesse des Voyages de Gulliver. Dénonciation de la guerre et de la bêtise, du mensonge et de l’hypocrisie, le roman de Jonathan Swift pointe du doigt les défauts de nos sociétés, qui sont restés les mêmes depuis le siècle des Lumières. Sa virulence culmine dans le dernier voyage de Gulliver, qui questionne la différence entre l’homme et l’animal. Dans le pays des Houyhnhnms, les chevaux parlants vivent dans le souci constant d’autrui, tandis que les hommes s’entretuent pour des cailloux brillants. L’humanité est lentement déconstruite au fil du roman, pour mieux en questionner les principes élémentaires, bafoués sans vergogne par l’Europe du XVIIIème siècle… Et par le monde d’aujourd’hui.
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Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà lu Les Voyages de Gulliver ? Appréciez-vous les romans satiriques ? J’ai beaucoup appris en lisant Jonathan Swift : dans Vivre, Émilie partage avec Gulliver une même velléité d’exploration, doublée d’un inébranlable sens de la vérité 🙂