Le Petit Poucet, de Charles Perrault

Conte horrifique à bien des égards, Le Petit Poucet réunit de nombreuses peurs ancestrales : famine, forêt sombre et impénétrable, abandon, ogre cannibale, infanticide, vampire, tout concorde pour faire frissonner le lecteur à chaque page. L’histoire du benjamin chétif et méprisé qui sauve toute sa famille grâce à son intelligence a été maintes fois adaptée et réinterprétée. Dans cette version de Charles Perrault qui fait figure de récit des origines, les mésaventures des enfants abandonnés par leurs parents miséreux s’inscrivent dans un contexte bien réel : nous sommes en 1697 et le souvenir de la grande famine de 1693-1694 est encore bien présent. Mais le petit Poucet veille et le fantastique guette…

C’est autour de ce personnage emblématique, considéré comme insignifiant par son entourage, que tourne la fable. Enfant bien malin que ce petit Poucet de sept ans, capable d’écouter, d’anticiper et d’agir dans l’urgence pour se sortir de situations épineuses. Ses frères ne sont bons qu’à pleurer et ses parents à se lamenter. L’autre personnage marquant est son adversaire, l’ogre mangeur de chair fraîche, père de sept fillettes aux dents blanches capables de « sucer le sang ». Sa femme éplorée, qui a pitié des enfants abandonnés mais n’en apprécie pas moins son « fort bon mari », me semble également une figure assez atypique : est-elle faible, opprimée, ou est-ce l’instinct maternel qui la pousse à protéger Poucet et ses frères ?

Si elle n’est pas révolutionnaire, la morale du Petit Poucet se veut familiale. Gardez-vous de juger vos enfants à leur apparence, car ils peuvent vous réserver bien des surprises, nous dit Perrault. J’adore l’ambiance de ce conte, ces tableaux très vivants qui se succèdent et ont été à merveille immortalisés par Gustave Doré. Ce récit est aussi l’un des plus atroces que je connaisse, et on imagine sans peine ses effets à l’époque où il a été écrit. La double chute apporte une dose d’humour bienvenu. Pourrait-on y voir une pique discrète à l’encontre de l’illustre monarque dont on taira le nom, occupé à guerroyer au loin pendant que ses sujets meurent de faim ?

Et vous, avez-vous lu Le Petit Poucet ? Qu’en avez-vous pensé ? Quelle adaptation de ce conte préférez-vous ? Il ressemble par maints aspects à Hansel et Gretel, mais rappelle aussi la légende de David et Goliath. Je trouve particulièrement glaçante la scène où l’ogre se lève pour égorger les enfants durant la nuit, hélas trop souvent édulcorée. Je vous recommande vivement la version originale, elle est disponible gratuitement sur Wikisource !

 

Cette scène, sans conteste la plus terrifiante de l’histoire, est rendue à merveille par Gustave Doré. L’expression de l’ogre est saisissante !

 

Les illustrations de Gustave Doré sont si belles que je ne résiste pas au plaisir d’en mettre une deuxième. J’adore l’image de la forêt ici, on voit très bien en quoi ce lieu mystérieux peut devenir inquiétant.

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