De l’Esprit des lois, de Montesquieu
Œuvre fondatrice qui envisagea pour la première fois la loi en tant que concept dérivant de la nature humaine plutôt que d’un ordre divin, De l’Esprit des lois fut interdit dès sa publication en 1748. Les critiques des ecclésiastiques et des conservateurs furent si vives qu’elles poussèrent Montesquieu à publier une Défense et des Éclaircissements de L’Esprit des lois. L’objet de son texte est pourtant structurant, limpide et passionnant : comparer l’ensemble des lois et chercher, au-delà des particularités inhérentes au climat et la topographie de chaque peuple, les principes universels qui sous-tendent les rapports humains.
Salué par les encyclopédistes et les penseurs des Lumières, De l’Esprit des lois se divise en 31 livres. Montesquieu mène sa réflexion ambitieuse du général au particulier : il redéfinit la notion de loi et son rapport au gouvernement, puis multiplie les applications pratiques, autour du luxe, de la religion, de l’éducation, du climat, de la monnaie, de la corruption ou encore de la condition des femmes, cherchant des exemples dans tous les pays du monde. Contredisant Aristote, il redéfinit trois formes principales de gouvernement : la démocratie, la monarchie et le despotisme. Les premiers livres analysent les lois à l’aune de ces trois systèmes, tandis que les derniers se recentrent sur les Français d’antan, transformant peu à peu le traité de philosophie en analyse historique des lois féodales en France.
Si j’ai dévoré les trois premiers quarts de L’Esprit des lois, j’ai moins apprécié cette fin très technique sur les subtilités de l’acquisition des fiefs, du combat judiciaire et des rapports entre les Bourguignons, les Wisigoths, les Francs et les Romains. L’œuvre de Montesquieu demande un temps d’adaptation : très moderne en maints aspects, l’évolution du vocabulaire depuis le siècle des Lumières rend parfois le texte difficile à comprendre. À cela s’ajoute un grand nombre de sous-entendus tirés de l’Antiquité grecque et romaine, que Montesquieu ne juge pas utile de développer, ses lecteurs étant à l’époque familiers de cette période. De l’Esprit des lois n’en reste pas moins brillant, et fait encore réfléchir à l’heure où tout semble acquis dans nos démocraties, notamment en redéfinissant la liberté comme le droit de faire ce que les lois autorisent.
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Et vous, avez-vous lu De l’Esprit des lois ? Qu’en avez-vous pensé ? J’ai beaucoup apprécié les anecdotes sur le Japon, la Chine, Rome ou Athènes, qui m’ont obligée à me mener mes propres enquêtes tant Montesquieu se montrait avare de détails. Même les passages arides sur l’époque féodale ne sont pas dénués d’intérêt. J’ai ainsi appris qu’on pouvait se choisir un champion lors d’un combat judiciaire, mais qu’on lui coupait le poing s’il perdait, ceci afin qu’il se batte avec ardeur ; ou encore que jadis, un couple qui venait de se marier n’avait point le droit de passer aux choses sérieuses pendant les trois premières nuits suivant le mariage, s’il ne payait quelque denier à la sainte et pure Église. Tout le texte est disponible gratuitement sur Wikisource : n’hésitez pas à lire les passages qui vous intéressent ! 🙂