Auto-édition : histoire, pratiques et avenir

En cette fin de juillet 2019, je vous propose un zoom sur le numéro de janvier 2019 de la revue Bibliodiversity, dédié à l’auto-édition. Découvert à l’occasion de l’anniversaire de la libraire de L’Établi, ce dossier se propose d’explorer l’auto-édition sous différents angles. Après un rappel historique bienvenu sur les débuts de cette pratique relativement courante au XIXème siècle, le magazine rassemble des articles sur des sujets aussi divers que le mentorat littéraire ou l’auto-édition de bandes dessinées, couplés à des analyses géographiques très enrichissantes sur l’auto-édition au Maroc, en Iran et en Amérique latine, avant de conclure par un entretien avec les atypiques Éditions du Net.

Je n’ignorais pas que Balzac avait (en vain) tenté d’ajouter les casquettes d’imprimeur, d’éditeur et de libraire à son blason d’écrivain. Bibliodiversity m’a cependant fait réaliser que Le Mercure de France et La NRF, devenue Gallimard, étaient à l’origine des entreprises d’auto-édition, montées par des auteurs en froid avec leurs éditeurs. Auteurs s’attachant à la qualité littéraire de leurs productions, tout comme à la mise en page et au choix du papier, mais auteurs tout de même avant d’être éditeurs. La notion d’éditeur professionnel apparaît donc bien plus fragile que ne le laissent croire les apparences. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, à l’heure où les éditeurs multiplient les parutions au détriment de la qualité des œuvres choisies, laissant moult coquilles dans des textes dont le style n’a rien à envier à celui de certains auteurs auto-édités. Qu’est-ce, au fond, que l’édition, sinon un mélange de sens commercial, de règles typographiques et de goûts personnels ? Peut-on avoir la passion de l’édition sans avoir celle de l’écriture ? Telle est l’une des questions, fort intéressantes, que pose Bibliodiversity.

Le mentorat littéraire soulève moins de débats. Cet accompagnement littéraire personnalisé proposé notamment dans les masters d’écriture créative de l’Institut littéraire suisse, de l’université Paris 8 et de l’université d’East Anglia à Norwich offre aux étudiants la possibilité d’échanger avec un auteur confirmé sur leurs projets littéraires, un mentor qui les accompagne jusqu’à l’aboutissement de leur première création. Ce travail se rapproche pour moi de celui effectué en phase de correction : une longue discussion, sur les choix de forme et de fond, le rythme, ce qui plaît et ce qui déplaît à nos premiers lecteurs, pourquoi. Conversation passionnée, qui implique pour l’auteur d’écouter, de se remettre en question mais aussi d’être capable de refuser certaines propositions, particulièrement si elles sont marquées du sceau de la subjectivité débridée. Je serais incapable de faire intervenir ma correctrice en chef aussi tôt dans l’élaboration de mes romans : depuis toujours, je les écris, je les relis et je ne les ouvre à l’interprétation d’autrui que si j’estime avoir produit un livre digne d’être lu. Hors de question de risquer d’être influencée, contredite ou encouragée au fil de la plume ! Je suis la première lectrice des aventures d’Émilie, que mes correcteurs découvrent comme des vrais lecteurs, sans avoir reçu le moindre indice sur leur contenu.

Les articles sur l’auto-édition au Maroc, en Iran et en Amérique latine m’ont beaucoup plu. Au Maroc, les éditeurs ne se sont professionnalisés que très récemment : la culture orale occupe encore une place très importante et beaucoup de maisons d’édition sont gérées de manière familiale. Les auteurs se tournent donc vers l’auto-édition par souci de professionnalisme ou de meilleure diffusion ! À l’inverse, en Iran, la censure prévaut : l’auto-édition est le seul moyen d’écrire librement. Pour des raisons touchant à l’économie et à la politique internationales, les outils d’auto-édition comme Amazon ou Lulu sont inaccessibles dans ce qui fut la Perse. Les auteurs en sont donc réduits à imprimer à compte d’auteur, et à diffuser péniblement leurs œuvres à la sauvette. L’Amérique latine fait quant à elle figure de reine incontestée de l’auto-édition. Bibliodiversity publie de nombreux chiffres, indiquant par exemple que l’Espagne auto-édite autant de livres que l’ensemble du continent sud-américain. Autant de pratiques, autant d’attentes, et toujours ce même problème : comment se dégager de la masse des milliers de publications qui sortent chaque année ?

À cette grande inconnue, chacun apporte sa réponse. Les libraires de l’Établi me suggèrent de publier La Bibliothèque en format poche, estimant trop cher les 15€ que je demande pour les 500 pages de chaque tome. Ils ajoutent qu’Amazon incarne le mal et qu’il faudrait songer à changer de plateforme et concluent en me faisant espérer un événement autour de la sortie d’Aimer. Les Éditions du Net s’inscrit dans une autre dynamique. Société créée en 2010, son but initial est de fournir des services d’impression à la demande aux éditeurs visant un public de niche, tel que le CNRS, l’INSEE ou la BnF. De fil en aiguille, poussé par une demande croissante, son fondateur élargit l’offre aux auteurs auto-édités, leur permettant de publier gratuitement en format papier. Une réussite qui, même si elle est plus marquée pour les livres pratiques que pour les romans, aura néanmoins permis à l’un de leurs auteurs fantasy de gagner plus de 30 000€ de droits d’auteurs… De quoi me faire méditer sérieusement sur mes choix en matière de plateforme d’auto-édition !

Si l’auto-édition vous intéresse, n’hésitez pas à vous procurer ce volume de Bibliodiversity ! Je ne regrette pas mes 5€ : les articles de cette revue publiée par l’Alliance Internationale des Éditeurs Indépendants se sont révélés aussi variés que riches en questionnements. Et vous, connaissez-vous d’autres revues littéraires ? Lesquelles aimez-vous et pourquoi ? Que pensez-vous du rôle de l’éditeur, du mentorat littéraire et de l’auto-édition en général ? 🙂

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