Conte de Noël

C’est une maison loin dans la terre enneigée,
Un vallon à l’abri des regards indiscrets,
Un immense manoir aux murs d’ombre secrets,
Envahi par le lierre et tissé d’araignées.
Le chemin pour s’y rendre est une allée de feuilles,
Qui craquent sous les pas d’une étrangère en deuil.
Là, des taches de mousse envahissent le toit,
Où les corbeaux s’encanaillent depuis des mois.

La femme est maintenant devant la grande entrée :
De son long manteau noir elle extirpe une clé,
Ouvrant un trou béant dans les murs lézardés.

Sans un mot elle avance et darde sur les lieux
Un regard triste et morne empli de souvenirs.
Des fantômes de joie dansent devant ses yeux,
Elle entend s’envoler de grands éclats de rire.
Elle avance, fait écho dans les pans de silence
Puis un tapis étouffe le bruit de ses pas.
Sa main se promène sur une table de bois,
Laissant dans la poussière sillonner ses doigts.

Elle va repartir quand jaillit tout à coup
La peinture dorée d’une vie différente.
Sa main se serre alors et son cœur se résout
À sauver de ces lieux les bribes décadentes.

Une lutte s’engage contre la maison,
Qui reste emprisonnée dans sa malédiction.
Meubles et bibelots, pas le temps de pleurer,
Le temps presse, les jours passent, il faut tout emballer.
Tant d’objets demeurés ici ensevelis !
Elle n’en démord pas, l’a décidé ainsi.
Elle ignore les cris du parquet angoissé,
Laisse à leur agonie les robinets cassés :
Si le destin du manoir est inéluctable,
Elle devient aussi le phénix de la fable !
Elle arrache à la pierre ce qui l’a fait vibrer,
Engloutit sans répit tous les mètres carrés.
La fatigue est sans force sur sa volonté :
Elle monte, descend, rampe pour tout retrouver.

Elle sort quand le jour a fini de vieillir ;
Elle franchit la grille et croirait revenir
D’un au-delà glacé sans aucun avenir.

Les semaines s’écoulent… C’est la fin de l’exil !
Sur le pas d’une porte, au milieu de la ville,
Les cartons s’amoncellent ainsi que des cadeaux.
La jeune femme émerge parmi les badauds :
Donnant ses instructions, elle a son plan en main,
Et les déménageurs sont autant de lutins.
Elle sourit, joyeuse aux objets retrouvés,
Qui redonnent du sens à sa vie éclatée.
Après un temps si long, elle est enfin chez elle.
Que demander de mieux au matin de Noël ?

Émilie – Apprentie Bibliothécaire

 

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