Une gourmandise, de Muriel Barbery

Après avoir été terriblement déçue par Une rose seule, je me suis dit qu’un retour aux sources s’imposait : j’ai donc relu Une gourmandise, le premier roman de Muriel Barbery. On y suit la longue introspection d’un homme mourant, critique gastronomique mondialement connu que l’imminence de sa fin conduit à rechercher une saveur oubliée, la meilleure qu’il ait jamais goûtée. Ses monologues intérieurs, à la fois souvenirs et farandoles de plats d’exception, sont entrecoupés par les pensées de ceux qui l’ont côtoyé, tissant en creux la tragédie d’une vie sans amour, le drame d’une passion à sens unique et la quête d’une réponse à la question des origines.

Une gourmandise dresse le portrait ambivalent d’un homme célèbre et anonyme, capable d’une grande émotion et pourtant d’une indifférence cruelle avec ses proches. La juxtaposition de plusieurs narrateurs donne au récit un dynamisme immédiat tout en frustrant le lecteur, qui s’efforce en vain de reconstruire ce protagoniste au cœur de tant de sentiments contraires. Autour de lui gravitent sa famille, ses amis, ses animaux, jusqu’au clochard du coin de la rue et à la concierge qui deviendra l’héroïne de L’Élégance du hérisson. Chacun apporte une touche personnelle à cette biographie polyphonique : chacun possède une voix, un style, une intériorité propres.

Écrit dans un style ciselé, Une gourmandise nous régale autant de repas fantasmés que de mots. La précision du verbe de Muriel Barbery n’a d’égale que la force des passions qu’elle véhicule : chaque chapitre se heurte au précédent, lente explosion des sens qui va de pair avec l’agonie d’émotions trop longtemps retenues. Ce court roman nourrit autant qu’il donne faim, faim de festins de haute volée mais surtout faim de sens après une vie passée à fuir, à attendre, à espérer, à souffrir en vain. Le narrateur meurt-il heureux ou consterné par sa découverte finale ? Que penser de cette personnalité en dents de scie, que l’on adore et que l’on hait tout à la fois ? La meilleure réponse réside pour moi dans la conclusion du roman : « La question ce n’est pas de manger, ce n’est pas de vivre, c’est de savoir pourquoi. »

Et vous, avez-vous lu Une gourmandise ? Qu’en avez-vous pensé ? J’ai dévoré ce livre qui donne à voir des personnages réussis, dont la sensibilité à fleur de peau est à des années-lumières du vide constant d’Une rose seule. Une gourmandise fait partie de ces romans qui se dévorent dans tous les sens du terme : le texte se prête à de nombreuses métaphores et donne amplement à réfléchir sur ce qui fait le sel de la vie comme de la cuisine. Son vocabulaire d’une incroyable précision m’a donné l’impression que ce récit était au goût ce que Le parfum de Süskind est à l’odorat.

 

Photo de Une gourmandise

Quoi de mieux que les produits de la cuisine du moment pour accompagner ce texte ? Le sablier nous rappelle le temps qui s’écoule et poursuit le narrateur au fil d’Une gourmandise.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Par ici, lecteur !

Cet article vous a plu ? Parlez-en autour de vous !