Quand correction ne rime pas avec hibernation…

Le couperet tombe enfin : ma correctrice et bêta-lecteur en chef a achevé Aimer. Après avoir passé quelques jours à examiner ses remarques, j’attends les avis de la cavalerie et du hérisson de cheminée avant de me remettre à l’ouvrage. Une relecture ne suffit pas, il en faut plusieurs pour obtenir cette opinion multiple qui s’approche autant que possible de l’objectivité. L’occasion faisant le larron, je me suis dit qu’un article autour de la correction vous intéresserait. Qui sont tous mes correcteurs ? Quel rôle jouent-ils dans la finalisation des mes romans ? Jusqu’à quel point peuvent-ils m’influencer ?

Certains auteurs corrigent leur livre au fur et à mesure qu’ils l’écrivent. Quand on a du temps, c’est la méthode idéale : écrire le matin, corriger l’après-midi. Pour des auteurs salariés et avares de sommeil, cette organisation s’avère cependant impraticable. Lorsque je m’y suis essayée avec Grandir, j’ai produit une vingtaine de pages en un an… D’où cette décision d’écrire une page par jour, avec interdiction formelle de me relire tant que le texte n’est pas achevé. À cela s’ajoute ma façon d’écrire : incapable de tout prévoir à l’avance, certains des aspects les plus intéressants de l’histoire déboulent à l’improviste alors que mes récits sont déjà bien entamés.

Les corrections qui s’imposent à La Bibliothèque touchent donc à la forme et au fond. C’est là que les bêta-lecteurs entrent en action : charge à eux de me signaler les tournures de style alambiquées, les incohérences et les passages ennuyeux de chaque tome. La nature fait bien les choses, et chacun s’est très vite spécialisé. Ainsi ma correctrice en chef se charge-t-elle de la forme : allergique à des mots en apparence innocents tels que « car », « comme », « semble », « presque » ou « pourquoi », dont l’abus alourdit la narration, elle rature mes manuscrits à souhait dès qu’elle l’estime nécessaire. Dans Aimer, elle a eu l’art de rayer LA phrase essentielle de chaque chapitre… Le côté obscur de la Force murmure en moi qu’elle n’a rien compris à mon génie. Plus raisonnable, le côté lumineux me suggère de conserver ces phrases rayées, mais d’alléger les passages qui les entourent pour les mettre davantage en valeur.

Le hérisson de cheminée se spécialise quant à lui sur le fond. Pratiquant depuis des années la fan-fiction, il s’attaque à chacun de mes livres armé d’un bic quatre couleurs. Le rouge me signale les potentielles erreurs de forme, le vert les réflexions déplaisantes et le bleu les passages appréciés. Nul dialogue, nulle introspection n’échappe à son intransigeante vigilance. Mes autres bêta-lecteurs se réservent la vue d’ensemble. Ils dégainent rarement le stylo, lisent mes histoires comme n’importe quel autre livre et me donnent leur sentiment général, parfois au fur et à mesure des chapitres. Connaître leurs attentes, leurs déceptions et leurs doutes au fil de la lecture me permet de voir mes romans d’une autre manière et de mieux cerner les attentes que j’ai créées.

Si j’accorde une attention particulière aux remarques de ma correctrice en chef et du hérisson de cheminée, je prends en compte l’ensemble des avis dans la correction de fond. L’idée étant de faire d’une pierre deux ou trois coups : ajouter un passage peut me permettre à la fois de renforcer le suspens, de rendre les personnages plus attachants et d’éclairer certaines zones d’ombre ou de mieux orienter l’attente des lecteurs pour qu’ils n’aient pas un sentiment d’incohérence. Sur la forme, Antidote m’est d’une aide précieuse mais n’intervient qu’au dernier moment : il est très long de reprendre le texte ligne à ligne et je préfère ne pas perdre du temps à peaufiner des passages que mes bêta-lecteurs jugeront inutiles ou complètement à revoir.

L’aspect le plus passionnant de la correction est aussi le plus douloureux : avant de prendre le stylo, il y a toujours un moment d’échange avec chaque bêta-lecteur. Parfois nous revisitons mes manuscrits page à page pour discuter leurs remarques. Le hérisson de cheminée et ma correctrice en chef ont l’art de me pousser dans mes retranchements : cela m’oblige à justifier mes choix, à réfléchir à l’utilité de chaque passage et à la manière dont je manipule les lecteurs. Exercice ardu et essentiel que de parvenir à cette œuvre finale, où chaque ligne figure le détail d’une sculpture à ciseler jusqu’à la perfection. En dernier ressort, c’est ma correctrice en chef qui valide la publication… Parce qu’elle fait partie des plus impitoyables, et parce qu’elle est la seule à avoir la patience de relire mon manuscrit jusqu’à cinq fois pour me conseiller jusqu’à la fin.

Elle a validé Grandir bien qu’il reste des « erreurs de jeunesse », car après deux ans de correction j’éprouvais le besoin impérieux d’aller de l’avant. Vivre fut laborieux d’une autre manière, mais Antidote a finalement fait pencher la balance en ma faveur. Aimer sera sans doute le tome qui nécessitera le moins de relectures : je suis à présent mieux équipée, plus méthodique et plus prompte à voir mes erreurs qu’il y a six ans. Si je m’interdis de commencer Mourir tant que le troisième tome des aventures d’Émilie ne sera pas sorti, j’y réfléchis très régulièrement, le temps d’oublier Aimer jusqu’au dernier sprint de correction qui devrait avoir lieu en avril-mai.

Et vous, comment pratiquez-vous la correction ? Avez-vous déjà été bêta-lecteur ? Quelle est votre méthode pour relire un livre de manière professionnelle ? Si vous êtes auteur, quelles sont vos habitudes de correction ? Certains veulent à tout prix sortir leurs romans avant des événements tels que Livre Paris ou le Salon Fantastique. Je préfère ne pas m’imposer de date mais publier un livre de qualité : c’est manquer de respect envers les lecteurs que de leur vendre un livre dont la correction a été bâclée et sera reprise ultérieurement. Un produit fini est un produit fini, sur lequel on ne doit revenir que pour corriger de rares coquilles ! Et les salons ont lieu tous les ans, alors inutile de se précipiter… Qu’en pensez-vous ? 😉

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