Pourquoi et comment chroniquer un livre ?

Faute d’actualité brûlante sur l’écriture de mon roman (qui avance lentement mais sûrement), je vous propose aujourd’hui de réfléchir à la subtilité nécessaire pour chroniquer un livre. Donner son avis de manière constructive sur une lecture demande en effet plus de travail qu’il n’y paraît. Qu’un roman, un essai ou une nouvelle nous laisse une impression négative ou positive est facile à juger, mais comment se construit ce ressenti ? L’objectivité avec laquelle beaucoup de lecteurs prétendent établir leur avis cache souvent un mélange de goûts subjectifs et d’attentes liées au registre du texte ou aux autres écrits de l’auteur.

Bien chroniquer un livre suppose dans un premier temps de prendre conscience de ses préférences personnelles : quelqu’un qui apprécie les histoires d’amour excusera peut-être plus facilement l’inévitable triangle amoureux prévisible dès la quatrième de couverture de trois quarts des romans fantasy qu’un autre s’attachant davantage à la cohérence dans la construction des univers. Un lecteur très attaché au style ne prendra pas la peine de rentrer dans des histoires qu’il juge mal écrites, autrement dit cumulant phrases courtes à la construction simple, répétitions de fond et de forme, fautes de syntaxe et d’orthographe.

Viennent ensuite les attentes, conscientes ou inconscientes, qui influencent la manière dont on va chroniquer un livre. Beaucoup de lecteurs excusent la piètre qualité de la littérature jeunesse sous le prétexte qu’elle s’adresse à des enfants (bien que nombre d’auteurs prétendent écrire sans adapter leur texte à leur public cible). D’autres seront déçus ou déroutés par la tournure que prend une histoire, qui s’avère différente de ce que laissait imaginer la quatrième de couverture : on espère par exemple plus de péripéties (ce qui arrive souvent aux lecteurs de La Bibliothèque) ou plus d’introspection (c’est mon attente principale dans la plupart des romans que je lis). Ou bien l’on espère retrouver un style propre à un auteur, qui explore finalement d’autres voies (d’où ma grande déception à la lecture d’Une rose seule, de Muriel Barbery).

Le plus évanescent pour chroniquer un livre reste cependant l’humeur du moment. Un livre, c’est aussi une rencontre, une forme d’échange qui suppose que l’on soit disposé à s’y prêter. C’est particulièrement le cas lorsqu’on lit des essais : on doit être prêt à ralentir son rythme de lecture pour apprécier la portée des phrases, les absorber et se laisser porter. L’exercice est très différent quand on dévore par exemple un roman d’aventures, où le suspense prend le pas sur la réflexion. Cela vaut également pour l’époque à laquelle a été écrit le roman, puisque les enjeux du récit varient en fonction des époques au sein d’un même registre.

Bien chroniquer un livre suppose donc de savoir faire la part des choses pour différencier la nature du texte de nos goûts de lecture. Sans cela, on en arrive à parler de soi plutôt que du livre et l’avis donné n’est pas très éclairant pour qui souhaiterait se faire une idée d’un récit. Paradoxalement, j’ai constaté que l’objectivité s’atteignait plus aisément dans le cas d’une mauvaise expérience de lecture : peut-être se sent-on davantage obligé à se justifié que dans le cas contraire. Un avis positif qui qualifie des personnages de « mignons » ou « craquants » m’instruit par exemple beaucoup moins sur leur nature qu’une opinion négative les estimant « prévisibles ».

Une fois les grandes bases posées, je trouve plus simple de chroniquer un livre avec méthode, en se fixant un plan qui sera applicable à tous les textes. Cela permet aussi à ceux qui nous lisent d’aller tout de suite à l’essentiel dans nos avis ! Si j’étais un peu brouillonne sur mes premiers articles, aujourd’hui je les divise en trois paragraphes. Le premier situe l’époque et le registre de l’histoire et la résume à grands traits (je trouve plus intéressant de donner un résumé personnel que de recopier celui de la quatrième de couverture déjà présent sur les sites de vente). Le deuxième énumère les personnages principaux ou marquants et leur caractéristiques, en intégrant parfois des remarques sur le style de l’auteur. Le troisième s’attache à la portée du texte et à son efficacité : c’est le moment où je m’interroge sur ce que m’a apporté ma lecture.

Une fois exploré le comment, reste la question du pourquoi. À quoi bon chroniquer un livre, quand des centaines de lecteurs ont déjà publié leur avis avant nous ? Pour ma part, je ne m’adonnais pas à cet exercice avant d’avoir publié mes romans. Si je l’ai d’abord pratiqué pour animer mon site, j’y trouve désormais un véritable intérêt littéraire : cela oblige à prendre de la distance par rapport à ses goûts et ses attentes, permet de mieux cibler ses lectures mais aussi de mieux s’en souvenir. C’est aussi l’occasion de se questionner sur soi, sur ce qui nous fait aimer ou pas un livre, et cela peut permettre une remise en question salutaire. Cerise sur le gâteau, cela peut donner lieu à des rencontres très enrichissantes avec d’autres lecteurs ! 😉

Et vous, chroniquez-vous vos lectures ? Avez-vous une méthode pour écrire vos articles ? Que pensez-vous de cet exercice ? Le plus difficile pour moi aujourd’hui est de lire assez vite pour tenir le rythme d’une publication par semaine, mais c’est un défi que je trouve toujours aussi instructif !

 

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Chroniquer un livre, c’est un peu comme prendre conscience que l’on porte des lunettes déformantes ! Il faut savoir faire la part des choses pour pouvoir restituer un avis objectif.

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