Orgueil et Préjugés, de Jane Austen

Que dire de cette histoire d’amour connue entre toutes sans répéter ce que d’autres ont déjà écrit ? Une question me semble les résumer toutes. Pourquoi une telle œuvre a-t-elle rencontré pareil succès ? Orgueil et Préjugés réunit de nombreux éléments éculés que les romances actuelles ont usé jusqu’à la corde : un homme riche et arrogant rencontre une femme pauvre mais fièrement indépendante dont la beauté et l’intelligence finissent par le conquérir. Où se situe l’originalité de ce roman ?

Il y a plusieurs réponses à cette interrogation. La première me semble contenue dans le genre romanesque lui-même : le roman tel que nous le connaissons, avec son réalisme et ses développements psychologiques, n’est né qu’au XVIIIème siècle en Europe. Or, Jane Austen a publié Orgueil et Préjugés en 1813, très peu de temps après la naissance du genre. Genre descendu de l’épopée, mettant en scène des personnages nobles, et destiné, du fait de l’état de l’alphabétisation des peuples, à un public exclusivement aristocratique. Choisir en guise de héros des personnages d’humble condition, et raconter l’histoire d’une ascension sociale à l’époque fort peu probable, était au début du XIXème siècle une idée originale, et ce d’autant plus qu’Elizabeth Bennet, non contente d’être une femme, a une forte personnalité : caractéristique aussi peu appréciée que répandue dans son milieu social. Originalité, donc, dans la nature des personnages, et dans l’épanouissement d’une relation inattendue pour la petite bourgeoisie de cette période.

Mais ce qui fait le succès continu de ce roman réside pour moi avant tout dans le style, et dans la multiplicité d’intrigues secondaires qui se développent autour d’Elizabeth et de Darcy. Orgueil et Préjugés est à la fois un conte, un roman réaliste, une comédie de mœurs et une étude sociale. Conte de la pauvresse épousée par le prince, réalisme de la vie de campagne avec ses fêtes et ses commérages, comédie du mariage pour lequel les mères multiplient les ruses et les inconvenances. Étude sociale aussi, car les filles deviennent une charge économique dès leurs quinze ans, et doivent trouver un époux avant d’en avoir vingt. Aucune autre option ne s’offre à elles, et peu ont la chance (ou l’intelligence naturelle) d’Elizabeth et de sa sœur : l’une épouse un officier dépensier dont elle s’est sottement entichée, une autre se marie par pragmatisme avec un ennuyeux et ridicule pasteur de campagne. Autant de caractères bien trempés dignes du théâtre, un style léger et plein d’ironie, de l’imprévu et du suspens : Jane Austen joue avec son lecteur, qui se laisse avec plaisir attraper et emporter dans le jeu éternel de l’amour et du hasard. Finalement, peut-être n’est-ce pas tant à son originalité qu’à son raffinement qu’Orgueil et Préjugés doit le succès qui est encore le sien aujourd’hui.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Connaissez-vous d’autres romans de Jane Austen ? J’ai lu Emma et Raison et sentiments, mais l’intrigue ne m’a pas procuré le plaisir de l’ascension sociale, aussi fulgurante qu’inattendue, d’Elizabeth Bennet 🙂

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Par ici, lecteur !

Cet article vous a plu ? Parlez-en autour de vous !