Maus, d’Art Spiegelman

Bande dessinée autobiographique parue sous forme de série entre 1980 et 1991, Maus raconte une partie de la vie du père d’Art Spiegelman, juif polonais déporté à Auschwitz en 1944. Cette rencontre entre l’histoire et l’Histoire, où les juifs sont des souris, les Polonais des cochons et les Allemands des chats est une œuvre coup-de-poing, un de ces livres marquants qui raconte ce que nul ne devrait oublier. Le récit commence par la rencontre des parents de l’auteur au milieu des années 30 et s’achève en 1945, après la défaite de l’Allemagne. Roman d’amour, témoignage, quête identitaire et personnelle, ce texte fait partie des incontournables.

L’utilisation de la bande dessinée, la transformation des hommes en animaux et la véracité de Maus lui donnent une envergure très différente des romans portant sur le même sujet. Même si la couverture où figure la croix nazie annonce d’emblée le thème, la manière de raconter attire des lecteurs qu’un texte seul pourrait rebuter. L’animalisation des personnages, coupée à la citation d’Hitler au début du récit, est une superbe réussite : si les juifs sont une race, les Polonais et les Allemands aussi. Mais un Allemand déporté, est-ce une souris ou un chat ? Et une Française convertie, est-ce une grenouille ou une souris ? Chaque planche rappelle l’impossibilité logique et la bêtise profonde du racisme, que mêmes ses victimes persistent à reproduire sur de nouveaux boucs émissaires.

Maus, c’est aussi une forme de réconciliation entre un père et son fils, que le suicide d’une mère a achevé de briser. Vladek Spiegelman, son avarice, la tension permanente qu’il dégage, devient un homme au fur et à mesure que son passé se dévoile. Son fils le comprend mieux et apprend à se connaître en même temps. J’ai beaucoup apprécié qu’il scénarise sa démarche d’écriture et sa soif de mémoire en parallèle de la tragédie vécue par son père. Pourquoi écrire l’Holocauste alors que tant d’encre a déjà coulé ? Rendre l’horreur sous forme de BD en noir et blanc, au trait faussement simplifié, avec des animaux en guise de personnages, n’est-ce pas trahir la vérité ? Je suis persuadée du contraire. C’est une autre manière de la raconter, de la transmettre, de l’imprimer dans l’esprit des générations futures, pour que toujours ils se souviennent… Et qu’un jour, peut-être, ils cessent de céder à la haine et à la peur.

Et vous, avez-vous lu Maus ? Qu’en avez-vous pensé ? J’ai tout de suite été happée par ce récit très équilibré, où les rares photos ont failli m’arracher des larmes. La démarche d’Art Spiegelman m’a profondément touchée, alliant avec un talent rare la sobriété et l’émotion pour redire une histoire chaque fois différente, et pourtant affreusement semblable à des millions d’autres.

1 Commentaire

  1. Seb
    5 Fév 2020

    Bravo, tu as tout compris !!!

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