Les Affinités électives, de Goethe

Je suis entrée difficilement dans Les Affinités électives : la langue m’a certes freinée, mais le rythme assez lent de l’histoire et la passion bizarre des personnages pour l’aménagement de leur jardin n’ont pas aidé. J’ai découvert sans entrain le quotidien calme d’Édouard et Charlotte, tombés amoureux dans leur jeunesse, séparés par des mariages arrangés et heureusement réunis par le décès de leur conjoint respectif. Je me doutais bien que l’arrivée du Capitaine Otto, ami désargenté d’Édouard, et d’Ottilie, la nièce orpheline de Charlotte, ajouteraient du piment à l’histoire, cependant la narration reste très froide et distante, ce qui m’a obligée à changer sans cesse de point de vue pour ne pas m’endormir devant les paysages. Goethe se livre à travers ce roman à une analyse scientifique des sentiments autant qu’à la mise en scène funeste des passions, et l’on termine le livre sans trop savoir ce qu’il faut en penser.

Les quatre protagonistes des Affinités électives forment un équilibre presque trop parfait pour être vrai. Charlotte est pleine de sens et raisonnée, de même que le Capitaine Otto, géomètre dans l’âme. À l’inverse, Édouard est impulsif et émotif ; la symétrie serait presque parfaite si Ottilie n’ajoutait à ces traits de caractère une timidité certaine et un grand sens du service. Sans doute est-ce de cette jeune fille, à peine sortie de l’adolescence, que je me suis sentie la plus proche, même si je me suis aussi reconnue dans la manière d’être de Charlotte. Le Capitaine Otto m’est resté parfaitement étranger, n’ouvrant la bouche que pour parler architecture, plans et chimie, et Édouard m’a paru somme toute assez lâche et égoïste, tant il se laisse emporter par ce qu’il éprouve, sans aucune considération pour les émotions des autres.

Les Affinités électives repose sur un pari lancé peu après le début du roman. Si l’on met en présence deux couples d’éléments chimiques AB et CD, nous explique le Capitaine, ils se sépareront forcément pour s’apparier en diagonale : ainsi A ira vers C tandis que B ira vers D. La phrase n’est pas plutôt lancée que ce schéma se reproduit dans les sentiments des quatre personnages mis en présence. Charge au lecteur de déterminer ce qui relève des phéromones ou du libre arbitre, tandis que les relations se crispent et que l’histoire avance vers sa fin. Indépendamment de cette métaphore filée entre la science et l’amour qui m’a laissée sceptique, j’ai beaucoup apprécié la modernité du discours de Goethe sur le divorce. Pourquoi se forcer à aimer, quand l’amour n’est plus là ? Qu’y a-t-il de si terrible à se séparer ? De tous les débats qui animent les personnages, celui-ci est pour moi le plus intéressant.

Cette audace est brutalement coupée dans son élan par un dénouement qui tombe comme un cheveu sur la soupe, à la façon de celui des Liaisons dangereusesL’amour relève-t-il davantage de la réaction chimique que de la volonté ? Est-il aléatoire ou prédéterminé ? Ces questions sont pour moi plus finement explorées dans l’œuvre de Choderlos de Laclos que dans Les Affinités électives. Pour l’anecdote, le titre du roman de Goethe est tiré des travaux d’un chimiste suédois ; sa narration se rapproche parfois davantage de la description d’une expérience que de la tragédie classique. Petite précision également, Ottilie s’appelle Odile en français, mais j’ai trouvé son nom allemand tellement agréable que j’ai préféré le conserver 😉 Et vous, avez-vous un avis sur ce livre-rêve ? Aimeriez-vous vous y incarner ? »

Émilie – Apprentie Bibliothécaire

 

Illustration des Affinités électives

« En feuilletant Les Affinités électives, je n’ai pas compris pourquoi les deux illustrations qui l’agrémentent montrent des paysages. À présent, je sais que ces scènes d’une grande intensité émotionnelle et scénaristique sont au centre du roman… »

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